Avec Spur Of The Moment, Peter Hammill fait une seconde immersion dans la musique purement expérimentale. Rappelons qu'il avait déjà commis en 1983 Loops And Reels, mélange de titres où le chant et les instruments étaient quelque peu malmenés pour aboutir à une musique torturée et dérangeante. Le résultat de ces efforts était paru uniquement sur cassette et ne sortira en CD que 10 ans plus tard.
Cette deuxième tentative, plus extrême encore que la précédente, aura cependant l'honneur d'être directement éditée en CD. Plus extrême car, là où Loops And Reels offrait quelques titres composés et chantés, Spur Of The Moment, signifiant littéralement "sous l'impulsion du moment", ne propose que des improvisations entièrement instrumentales.
Pour l'aider dans cette gageure, Peter Hammill, qui œuvre aux claviers et aux guitares, s'est fait accompagné de son vieux compagnon de Van Der Graaf Generator, Guy Evans, officiant à la batterie et aux percussions. Les deux hommes improvisent de concert sur une dizaine de titres, certains très courts, d'autres avoisinant les 10 minutes. Fidèle à ses habitudes, Guy Evans brode des motifs délicats du bout de ses baguettes plutôt que de nous assommer d'un déluge de décibels, ou scandent parfois sur ses toms des rythmes proches du rock indus. Peter Hammill explore volontiers les possibilités MIDI de ses claviers, la guitare ne faisant que de brèves apparitions.
En fonction de l'inspiration des interprètes, les titres se répartissent en deux catégories : ceux qui évoluent constamment du début à la fin sans jamais se fixer sur une structure musicale précise, et ceux qui procèdent par boucles sonores hypnotiques, ces derniers permettant à l'esprit de trouver quelques points de repères reposants. L'ensemble est plutôt lent, quelquefois évanescent, déstructuré et parfois discordant, en deux mots, furieusement expérimental. Même s'il est difficile de sortir un titre du lot, Without A Glitch distille une sorte d'inquiétude contemporaine, Anatol's Proposal est curieusement mélodieux, et An Imagined Brother offre un moment délicat de piano sur fond de synthé dont les sonorités évoquent les cordes frottées d'un violon.
Ce qui distingue Peter Hammill de ses contemporains, c'est sa capacité à véhiculer dans son chant les sentiments les plus profonds et la qualité et l'originalité de ses compositions. Alors, que dire de ce disque constitué d'improvisations instrumentales, où ces deux qualités majeures sont absentes ? Qu'il ne pourra satisfaire que deux catégories de personnes : celles sensibles à l'innovation et à la spontanéité de l'art, sous quelque forme que ce soit, et les inconditionnels de Peter Hammill, plus heureux de posséder l'objet pour compléter leur collection que d'écouter son contenu.
Dans ces conditions, difficile également d'attribuer une note. La moyenne paraît équitable, récompensant le côté novateur et la véritable implication des musiciens perçu à l'écoute des titres, mais qui ne compensent pas l'aspect réellement ardu de ce disque.