Au moment où la sortie de sa nouvelle offrande, Ominous Doctrine Of The Perpetual Mystical Macrocosm est imminente, il est bon de se replonger dans les racines du mal, qu’incarne ce quintessentiel Into The Infernal Regions Of The Ancient Cult, premier rejeton diabolique d’Inquisition qui a droit aujourd’hui à une (nouvelle) réédition.
Débutant dans sa Colombie natale à la fin des années 80, ce qui fait par ailleurs de lui un des plus vieux groupes extrêmes en activité, le groupuscule a très vite largué les amarres du Thrash sale et primaire, quand bien même il en subsiste encore dans ses coulées quelques vestiges ("Empire Of Luciferian Race"), pour aller braconner sur les terres du Black Metal occulte. Mais plus que d’autres, il parvient à communier avec les Unholy Forces Of Evil avec une économie de moyen qui force le respect. De fait, son Black Metal suinte le Mal par tous les pores, par toutes les notes égrenées par des guitares grésillantes et réellement habitées.
Etonnamment, Inquisition, s’il ne rechigne pas à accélérer la cadence quand il le faut ("Unholy Magic Attack") privilégie les tempos lourds et d’une lancinance macabre pour exalter les Ténèbres. Néanmoins, loin d’en amenuiser la puissance maléfique, ce choix artistique confère à ses longues complaintes taillées dans l’os, à même la chair, une aura noire démentielle.
Into The Infernal Regions Of The Ancient Cult s’impose comme un pur concentré d’ondes pestilentielles charriées par des compositions où le chant de gargouilles paraît étouffé, lointain appel des limbes ("Journey To Infernukeorreka"). Enténébrées par une prise de son rustre et cendreuse, celles-ci ont quelque chose de cathédrales impies monumentales, d’une dimension toute lovecraftienne, à l’image de "Summoned By Ancient Wizdom".
Aux confins d’un Doom Death rudimentaire et baveux qui avance à la vitesse d’une limace, ces titres se déploient sur des durées généralement assez longues, étirent jusqu’au paroxysme de l’agonie mortifère leurs ramifications que guident des riffs evil qui semblent avoir été enfantés par Satan lui-même. L’immense "Solitary Death In Nocturnal Wood" résume à merveille la démarche des Colombiens désormais installés aux Etats-Unis, soit dix minutes infernales irriguant un fluide noir par le canal que taillent des six-cordes polluées libérées par les entrailles de la Terre. D’une lenteur étouffante, cette longue plainte racle les boyaux d’un Black Metal cryptique aux relents de Doom sinistre. Sa dernière partie atteint pourtant des sommets de tristesse, une tristesse terreuse qui n’est pas sans évoquer ce que fera plus tard Mourning Beloveth sur Dust (2000).
On comprend mieux pourquoi Inquisition jouit d’un culte (mérité) ; il est le peintre sonore des profondeurs et sans doute celui qui aura le mieux su matérialiser avec des notes l'univers, l'essence de Lovecraft. Son premier opus est un classique du genre.