Après ce qu'il convient d'appeler un chef d'œuvre (Guet-Apens), marquant la fin de la première époque (épique ?) dorée de Ange, les frères Décamps abordent leur deuxième décennie d'existence, et par là-même les années 80, en prenant un virage non pas à 180°, mais suffisamment marqué sur le plan musical pour susciter interrogations et controverses. Avec Vu D'un Chien, le groupe abandonne une bonne partie de son côté progressif et théâtral, pour produire une musique résolument rock, moderne, au risque d'y laisser une partie de son âme.
Dès l'entame, la guitare de Robert Defer déchire l'atmosphère musicale des Temps Modernes, et propulse l'auditeur dans une nouvelle dimension, venant comme un écho au titre de cette première plage. La batterie incisive de Jean-Pierre Guichard martèle la cadence en rythme, et l'ambiance générale se retrouve à mille lieues de l'Hymne à la Vie, les claviers de Francis Décamps, annonciateurs de la décennie Top 50, se retrouvent hélas au diapason de cette nouvelle orientation.
Malgré tout, Ange nous propose ici quelques titres pêchus dignes d'intérêt : Les Temps Modernes remettant au goût du jour Charlie Chaplin, mais aussi Je Travaille Sans Filet, seul titre un tantinet progressif de l'album, et surtout La Suisse, nous proposent l'essence même d'Ange, certes présentée sous un nouveau jour mais dont le fond reste finalement le même. Et enfin, le titre éponyme Vu d'Un Chien, qui vient clôturer en apothéose une galette qui apparaît ainsi plutôt séduisante.
Et voilà donc la moitié de l'album citée au tableau d'honneur … l'autre moitié venant malheureusement quelque peu contrebalancer cette impression première : titres tout simplement quelconques ou ballades peu convaincantes, les quatre autres pièces qui composent Vu d'Un Chien témoignent d'une inspiration quelque peu en déclin, même si les textes incisifs de Christian Décamps collent à merveille à la nouvelle orientation du groupe.
Album charnière dans la carrière du groupe et dans son évolution, Vu d'Un Chien reste 30 ans après sa parution une production qui, loin d'être mauvaise, apparaît cependant comme quelconque par rapport à la discographie du groupe. Pas le meilleur album pour embrasser la musique d'Ange, mais il n'est pas non plus à jeter … aux chiens !