Avec seulement trois disques à son compteur en l'espace de 26 ans, il est difficile de prendre David Minasian pour un stakhanoviste de la création musicale. Il est vrai que le personnage a plusieurs cordes à son arc et que l'interprétation et la production de ses propres œuvres lui servent plus de violon d'Ingres que de job alimentaire. Pourtant, la lecture de sa biographie nous apprend que son professeur de piano fondait de grands espoirs sur la carrière professionnelle du jeune David, mais que celui-ci préféra s'orienter vers la réalisation de films. C'est d'ailleurs grâce à ce choix qu'il va réaliser et produire plusieurs DVD de concerts de Camel et devenir l'ami d'Andrew Latimer, ce qui nous vaut le plaisir de l'entendre sur un titre de "Random Acts Of Beauty".
Musicalement, et malgré ses (p)références clairement affichées (Camel, bien sûr, et The Moody Blues, la chanson "Land Of Make Believe" lui ayant servi de révélateur), le style de David Minasian s'apparente plutôt à celui de David Gilmour (la voix y est pour beaucoup), voire à Steve Hackett ou Anthony Phillips pour certaines textures sonores.
Sept titres se partagent l'album, dont trois entièrement instrumentaux ("Storming The Castle", le long "Frozen In Time", et "Dark Waters"), la place laissée à la voix feutrée de David Minasian étant réduite à peau de chagrin sur les quatre autres titres. Sans dire qu'il s'agisse d'un album entièrement instrumental, la part belle est cependant faite à la musique et le chant est accessoire. Les claviers et les guitares électriques se répartissent à peu près équitablement le travail. Tous les titres, à l'exception de "Frozen In Time", suivent en gros le même schéma : une entrée en matière plutôt calme, reposant souvent sur les claviers, puis le morceau s'anime, soit progressivement en faisant entrer tour à tour la batterie et les guitares pour étoffer l'ensemble, soit en accélérant brutalement le rythme. Chaque titre a le droit à son petit solo de guitare, celui de "Masquerade" étant exécuté par Andrew Latimer, les autres étant joués pour la plupart par le fils de David, Justin, vingt ans, qui se tire de cet exercice honorablement.
"Frozen In Time" ressemble quant à lui à un curieux patchwork. Les 5 premières minutes sont assez enlevées, avec la guitare en lead, puis l'orgue, les grandes orgues mêmes, résonnent, majestueuses, hiératiques, religieuses, dans un solo d'une minute avant de laisser la place à une guitare acoustique classisante, légère. Nouveau changement de rythme qui s'accélère en spirales avec force guitares, basse et batterie puis retour à l'accalmie, un piano, du synthé, de la guitare acoustique, à nouveau une musique propre à la méditation. L'ensemble n'est pas désagréable, mais artificiel, probablement dû au fait que ce titre a été écrit sur une durée de... 32 ans, les premiers thèmes ayant été composés en 1978 et complétés par des compositions récentes de Justin.
Tout cela procure une écoute agréable, certes, mais donne l'impression d'avoir déjà été entendu des dizaines de fois. La musique s'étire parfois paresseusement et manque d'originalité et de caractère. A ce jeu-là, les titres chantés s'en sortent mieux que les instrumentaux, la voix agréable sans être exceptionnelle de David Minasian venant apporter un peu de variété à une recette souvent trop fade. Les titres instrumentaux sont parfois proches des musiques faites pour la relaxation que vous pouvez trouver au rayon CD de votre magasin vous permettant de partir à la découverte de la nature préféré, coincé entre un CD sur le chant des baleines et un sur le bruit des vagues.
C'est gentil, c'est correctement fait, c'est agréable, mais cela manque trop de caractère et de relief pour marquer durablement les esprits. Ceci dit, nous vous invitons à vous faire votre propre opinion, car l'indéniable harmonie qui découle des morceaux rend l'écoute de ce CD facilement accessible. De moins exigeants pourraient y trouver leur bonheur.