Peut-on pécher par excès d’ambition ? A ses dépends, Stonehenge (à ne pas confondre avec son homologue hongrois) tend à le démontrer. Constatez par vous-même : quatre titres oscillant entre 10 et 26 minutes au garrot pour un disque rempli jusqu’à la gueule d’une musique progressive dans laquelle la simplicité n’a jamais été la principale préoccupation.
Mais doit-on pour autant en vouloir à ce groupe français dont les fans attendent cette galette depuis près de vingt ans et ayant connu des galères par palettes entières. Pourtant, le voilà enfin ce galop d’essai éponyme aux couleurs chatoyantes. Se réclamant aussi bien de la mouvance Celtic Folk que de Pink Floyd en passant par Radiohead ou Genesis, le collectif accouche d’un maelström sonore où claviers néo prog, percussions échevelées et guitares stratosphériques érigent un édifice mélodique aux multiples ramifications.
A l’image de son visuel, délicieusement naïf, Stonehenge est un album foncièrement positif qu’aucune onde négative ne vient jamais polluer ni perturber. Si on se doit de souligner la faiblesse des lignes vocales, par moment presque pénibles ("L‘ivresse morte") et principal point à revoir, il convient en revanche d’insister sur le travail de composition et d’arrangements abattu par le quatuor.
Digérer cette heure et demie de musique n’est donc pas chose aisée et il n’est pas impossible que certains décrochent en route car s’enfiler les quatre pistes d’un bloc nécessite attention et patience. Rien que la première pièce, du haut de ses 26 minutes, est à elle seule plus riche que des albums entiers, long voyage vers les étoiles quasiment instrumental qui se suffit à lui-même et éclabousse de sa réussite les trois plages suivantes à la prise de son moins chaleureuse. Parmi celles-ci, citons le trip cosmique "2L 3" eux effluves floydiennes évidentes. Non sans réussite, les Français y ravivent tout un pan de la musique progressive antédiluvienne. A la fois fluides et complexes, ces titres sont comme des rampes de lancement ouvertes sur l'Absolu.
A l’heure du tout jetable, du aussitôt consommé aussitôt oublié, il est réconfortant de voir un groupe ne pas opter pour la facilité. De fait, Stonehenge, autant le groupe que l’album, parait franchement anachronique. C’est néanmoins ce qui fait son charme et sa valeur. Nous leur pardonnerons donc d'avoir trop voulu en faire mais moins une certaine prétention énervante. De plus, l'œuvre souffre tout de même d'avoir été, semble-il, conçue sur une très (trop) longue période. Cela étant, les amateurs du genre devraient s'y sentir comme dans de bonnes vieilles pantoufles.