Dans le processus naturel de la construction du mythe, les héros de jadis sont souvent glorifiés aux dépends de la masse de médiocrité qui leur était contemporaine. Les années 80's en métal ? Metallica, Maiden, Priest, Accept, Saxon... C'était la belle époque, ça oui. Sauf que ce qui est dans la mémoire des plus vieux a tendance à ne pas s'imposer à l'esprit des plus jeunes ! Pour chacun de ces grands groupes, il y avait des suiveurs, des ratés. Puis le temps, le tri, le manque de rentabilité, ont effacé ces figurants du paysage au profit des nouveaux dinosaures, qui continuent pour nombre d'entre eux à refuser l'extinction.
Sans faire-valoir pour faire effet de contraste, certains ont alors du mal à comprendre: pourquoi les chefs-d'œuvre de jadis sont si bons. Par rapport à quoi ? Heureusement pour l'auditeur du 21ème siècle, deux phénomènes viennent à son secours. Le premier, c'est Internet, qui permet à n'importe quel groupe semi-pro de faire partager sa musique, en supprimant la plupart des filtres naturels. Le second, c'est le retour en grâce du heavy métal, après une (grosse) décennie de disgrâce. Secouez bien fort, ça vous donne des dizaines de groupe dans le genre de Lord Volture.
Lord Volture c'est un groupe tout récent ("Beast Of Thunder" est leur premier album) qui réunit des musiciens ayant jusque là évolué dans divers tribute-bands (Mercyful Fake, Up The Irons, Judas Rising...), enfin prêt à balancer leur musique à la face du monde. Il s'agit là d'une version édulcorée de la description épique que fait le groupe de lui-même sur son site officiel. Le problème c'est que ce genre de marketing à peu près aussi inspiré qu'une relance d'EDF est parfaitement à l'image de la musique que nous sert le groupe.
La description de ce marasme est aussi pénible que l'écoute entière du disque, tant rien de notable ne ressort. Riffs heavy mais plats, lignes de chants désastreuses - seul le refrain semble compter, les couplets étant tous aussi pénibles les uns que les autres-, pilonnage rythmique stérile... L'auditeur indulgent sauvera sans doute les soli, expression visible d'un certain travail du guitariste, ça ne fait aucun doute. Mais au milieu d'un morceau qui ne va nul part, ces interventions sont autant de monstres sans tête, inoffensives.
Autre problème, il n'y a pas ou peu de respiration. L'album est linéaire, mené par des riffs lancinants (un accord, puis 15 coups de médiator sur la corde de mi, avec le plus gros son possible) à peu près aussi mélodique qu'un brossage de dent, et le chant aigu et criard de David Marcelis. Le résultat est un "Painkiller" du pauvre, un Accept lifté, mais dénué de la classe et du sens mélodique de ces références. Du coup en repensant aux grands groupes cités plus haut, l'effet de contraste est évident, les qualités des aînés ressortent. Le sens de la composition, savoir créer des chansons fortes, dont on comprend le sens, dont on retient l'idée.
Plus que le dilemme de la notation (l'album ne mérite pas 1 ou 2, mais ne présente clairement aucun intérêt), la véritable question qui se pose à l'écoute de ce disque concerne le passé des membres dans les tribute-bands: comment peut-on jouer (donc forcément analyser, comprendre) pendant des années la musique de Mercyful Fate, Judas Priest, et Iron Maiden, et à l'arrivée... pondre ça ?