Rassuré par la bonne tenue de Headless Cross et bien décidé à aller encore plus loin et à donner le meilleur de lui-même, Black Sabbath se réunit très vite pour lui donner un successeur. Celui-ci est clairement envisagé comme une confirmation, comme une reconquête durable d’une aura légendaire que plusieurs années d’errance ont bien trop entamé.
Autour de la paire charismatique formée par le guitariste Tony Iommi et le batteur Cozy Powell, le chanteur Tony Martin rempile à nouveau tandis qu’un bassiste de choix vient compléter l’équipe et remplacer Laurence Cottle : Neil Murray (Whitesnake, Gary Moore…).
Rapidement mis en boite, Tyr, dont le concept viking peut surprendre de la part d’un groupe davantage porté sur l’occultisme, se révèle en fait très différent de son prédécesseur. Si la voix de Martin tend forcément un lien avec The Eternal Idol et Headless Cross, si les riffs pesants, bien que plus discrets qu’à l’accoutumée, portent comme toujours l’incontestable griffe du gaucher ("The Sabbath Stones", l‘intro de "Fells Goods To Me"), cet album affiche des traits plus mélodiques, plus lisses ("Valhalla"). Moins sombres également. La faute à des claviers, ceux de Geoff Nichols, qui se taillent la part du lion.
Néanmoins, Tyr reste une œuvre tout à fait recommandable car non dénuée de vrais moments de bravoure. Le grandiose "Anno Mundi" qui, en ouverture, impressionne et propulse d’emblée l’écoute vers des sommets que le reste du menu n'atteindra cependant plus tout à fait, est le premier d’entre eux. Il y a aussi ce "Jérusalem" puissant et doté d’un refrain mémorable. C’est ensuite "Odin’s Court", pause intimiste d’une touchante sobriété, puis "Heaven In Black", conclusion séduisante qui toutefois étonne par ses atours presque FM. Bref, un peu à l’image d’un album qui finalement n’a vraiment de sabbat noir que le nom.
Ceci expliquant sans doute l’accueil plus que mitigé qu’il a reçu à l’époque. Loin d’incarner le retour à l’âge d’or souhaité par ses auteurs, Tyr ne fera au contraire que confirmer l’incontestable érosion commerciale d’une formation dont peu semblent alors se soucier. En 1990, Black Sabbath n’est plus qu’un fantôme à la recherche de sa gloire passée. Pourtant, à l’instar de Headless Cross et bien qu'inférieur à ce dernier, ce quinzième opuscule mérite bien une seconde chance. Ce ne sont pas les admirateurs de Tony Martin (ils existent) qui diront le contraire...