La légende veut que le parapluie soit bulgare et qu’il ait aidé à tuer un dissident pendant la guerre froide. Le thème avait été repris par Gérard Oury avec Pierre Richard dans le rôle du tueur à gages, bien à côté de ses chaussures noires. Il est cette fois utilisé par ce jeune groupe wallon de post rock, qui se permet déjà de nous offrir une pochette sobre et sombre plutôt intrigante. Intriguants également ("Colonel Mustard With An AK47 In The Library"), voire franchement drôles ("Pourquoi Dieu n'est-il pas Albert Jacquard?"), les titres des morceaux qui composent cet album. Après une première écoute, la question sur le lien entre ces petits délires et la musique jouée, reste toutefois posée.
Mais revenons un instant à ce groupe formé en 2007, composé d’un guitariste–chanteur (Régis Michaux), d’un batteur (Niko Khapth) et d’un bassiste touche à tout (Ludovic Houbion). En 2008, après le départ de Niko (remplacé par Olivier Drèze), ils nous livrent déjà un EP ("The Mac Guffin"), et en fin d’année font leur premier concert. Fin 2009, ils enregistrent cette œuvre au titre improbable, "Philosophie, Bien-être & Crimes Passionnels". Tout un programme, le groupe est décidément fort pour trouver des titres qui marquent !
Les plages sont généralement assez longues (de 5 à 8 minutes), mais c’est par la plus courte d’entre elles "Bend And Break Fast " (jeu de mot ?) que débute ce "PB&CP". Rythmique martelée, bruitages en tout genre, ornés d’une guitare ciselée, alternant, riffs et séquences répétitives, le tout enlevé par la voix trafiquée de Régis Michaux. C’est court, net et précis, les gars savent dans quel univers ils nagent. Sur une rythmique et des vocaux similaires, ils développent avec plus d’intensité leur propos dans "La Traversée du Desert Eagle". Le jeu de batterie se fait plus précis et recherché ; la guitare, comme la voix partent à l’aventure ; un titre aux ambiances multiples, dans lequel les portes s’ouvrent au fur et à mesure des écoutes.
La voix se fait ensuite un peu plus chaude, mais mélancolique, comme sur "Colonel Mustard ...". La musique, elle, semble souvent décliner le même thème, en y changeant ça et là quelques touches, y ajoutant un côté hypnotique, lancinant ("The Assasination Of Your Beliefs", "Bulgarian Umbrella"). Ce côté expérimental, oscillant entre l’improvisation et la technique, fait que souvent, on se rapproche d’un math-core assez personnel. Mais même dans un long titre instrumental comme "Le Loup Dans La Bergerie", la musique tient la route, et ses multiples facettes font que même en l’absence de mélodie, l’oreille reste attentive.
Le groupe puise aussi son inspiration dans les diverses décennies. Les années ’70 par le côté parfois très rock brut des riffs et de la batterie, ciselés à la Led Zeppelin ou aux divagations sonores d'un Eno ou d'un Fripp. Les années ’80; un titre comme "The Set-Up" pouvant faire penser à Fad Gadget; ou encore les années ’90 avec l’ombre de Pearl Jam qui plane sur l'énergie du groupe.
Tout n’est évidemment pas parfait; l’aspect technique voire progressif, ou la recherche d’ambiance et d’émotion se fait souvent aux dépens de la mélodie, et il faut vraiment du temps pour pénétrer certaines compositions. Le chant est bon mais pas franchement mémorable, et enfin, au regard des titres choisis, plus de fantaisie aurait été appréciée. Reste que pour une première œuvre, nous sommes face à une musique sans concession, mais riche et innovante. Et comme c’est de plus en plus rare, nous avons là un groupe à suivre de très près !