Voici les singularités musicales -lisses, travaillées, peaufinées- de la grande APP institute mises à l'épreuve de l'aventure scénique. 18 ans après le premier album studio, Alan Parsons tente enfin l'expérience de l'enregistrement live: un album sobrement intitulé de la sorte, plutôt court pour le genre, et se risquant -entre autres- à la privation des prestations vocales d'Eric Woolfson.
Premier constat, ce Live ne comporte pas un seul titre... de Try Anything Once, l'essai d'Alan Parsons en solo fraîchement réalisé l'année précédente ! Voilà qui en dit long sur le succès commercial de ce Try... Et qui décrédibilise quelque peu l'avenir musical de l'équipage Parsons nouvelle formule. Deuxième constat, le recours à l'énorme gisement du "Project" pour le choix des interprétations ne sera pas non plus garant d'une clairvoyance sans faille: ainsi, Eye In The Sky, certes emblématique, se taille la part du lion avec la conquête de 5 sièges (6 en comptant Luciferama), alors que les autres albums ne concèdent, en gros, qu'un seul morceau chacun, excepté Pyramid qui manque totalement à l'appel. Si l'on admet qu'il s'agit là de l'un des meilleurs albums du "Project", sinon le meilleur, la pilule est un peu difficile à avaler !
La galette démarre sur une sonorité claire, précise, et en même temps assez "live", sur l'air du monumental Sirius, et enchaîne sur son inséparable compagnon, Eye In The Sky. Voilà qui fait honneur à la réputation d'ingénieur hors pair de notre Alan, tout en offrant à sa musique la dimension scénique à laquelle nous sommes ici en droit de nous attendre. Autre bonne surprise, ici l'alternative vocale n'est pas trop dramatique même si l'on pouvait redouter l'absence du grand Woolfson. Pourtant les craintes en la matière ne vont pas tarder à se concrétiser.
En effet, passé le sympathique et dynamique Luciferama (mixant Lucifer et Mammagamma), le temps va très vite tourner à l'orage. Cette fois, l'absence de Colin Blunstone est fatale à la prestation vocale de Old And Wise - qui ne gagne qu'un final au saxo légèrement revisité par rapport à la version studio ; maigre consolation. Deuxième naufrage vocal : Elmer Gantry ne participant pas à l’épopée, Psychobabble perd quasiment tout son caractère. A partir de là, on s'aperçoit de la difficulté, pour de telles prestations, à faire mieux que leurs modèles (ou tout au moins, à faire autre chose, mais quelque chose de bonne valeur musicale), partant du postulat que le concept APP n'a jamais été prévu pour la scène. Chacun des albums du "Project" a quasiment été taillé sur mesure pour un agencement vocal particulier, Eric Woolfson n'assurant pour sa part "que" le fil conducteur. L'impossibilité de réunir tous les acteurs en la matière à l'occasion d'un projet unifié, doublée de l'absence impitoyable de Woolfson, est un rude obstacle pour que l'exploit scénique se réalise. Pour les deux seuls interprètes au chant embarqués en voiture de concert, comment porter toutes les couleurs de l'immense palette vocale du "Project" ?
Ce handicap sera d'autant plus lourd à porter que la suite de la galette est amèrement... conventionnelle. Ainsi, sur sa seconde moitié, on ne trouvera rien d'autre qu'un assemblage de sélections dénuées de nouveau souffle, en bref n'apportant rien de plus (si ce n'est du moins bon) par rapport aux moutures studio. Là encore, les efforts de C.Thompson et G.Howard au chant vont tenter de colmater les brèches vocales, avec plus ou moins de bonheur selon les morceaux.
Triste fin de règne du "Project", qui s'achève donc sur un concert plutôt révélateur de son inadéquation musicale avec l'exercice de la scène.