Voici l'album d'Alan Parsons en solo qui, à ce jour, se rapproche le plus de ce que nos oreilles ont connu à l'époque APP. Synonyme de réussite ? Pas nécessairement, hélas: la diversité créative est celle d'antan, mais l'homogénéité qualitative et la construction globale demeurent bien hasardeuses.
L'album entame le bal avec l'enchaînement -réussi- de trois pièces qui vont droit au cœur du fan du "Project" d'autrefois: d'abord, The Time Machine (Part 1), pour la synergie de sa rythmique, de sa texture sonore et de sa ligne mélodique. Cela sonne "Parsons", à l'évidence (quoique signé Elliott). A la différence du choix effectué pour Apollo dans On Air, ici l'équipage Parsons a parfaitement saisi l'intérêt de placer ce type de composition en ouverture de galette. Puis vient un intermède des plus intéressants, qui nous ferait presque espérer être en présence d'un véritable album concept (axé sur le thème de l'écoulement du temps), en égrenant quelques phrases parlées, introuvables dans les lyrics du booklet mais néanmoins parfaitement audibles: "When you look at the night sky, into the stars far away; (...) what we're doing is seeing stars as they were in the past; (...) so space and time are linked together, as we are looking across space, we are looking back in time". Intermède qui aboutit sur Out Of The Blue, embarquant avec lui tous les ingrédients nécessaires à positionner cette aventure comme porte-étendard d'un questionnement métaphysique.
Le ton serait-il donné ? Malheureusement non, la "machine temps" s'enraye aussitôt après: Call Up n'a strictement aucun intérêt au milieu de cet assemblage, dont il vient détruire la quintessence savamment distillée depuis 10 ou 11 minutes. Décidément, les travers des deux opus précédents ont la vie dure. La suite ramènera l'album sur les rails du musicalement correct, mais en se montrant sensiblement en décalage avec l'ambiance sur laquelle on espérait poursuivre le voyage. Pourtant, des albums comme Pyramid, Turn Of A Friendly Card ou Eye In The Sky nous ont habitués à ce jonglage sur la forme, mais en conservant habilement l'unité sur le fond, au travers d'une recette très difficile à déchiffrer. Ici par exemple, le cas de Rubber Universe est assez parlant, et à la fois bien mystérieux: des sonorités du "Project", de bout en bout ! On retrouve des influences de Stereotomy, I Robot, Eve... et pourtant: la magie n'y est pas. Et le rapport avec l'introduction de la galette, très lointain.
Globalement, l'album se situe à mi-chemin entre l'austérité sonore de Try Anything Once et la philosophie méditative de On Air; pas désagréable, à la limite. Mais on peut en penser ce qu'on en veut, au final où en est le fléchage musical, conceptuel ? Et que dire de la juxtaposition du romantico-mélancolique The Very Last Time, avec le sombre Far Ago And Long Away, totalement déconstruit, frisant la musique expérimentale ? Autant, un sentiment de yin et de yang peut-il produire par moments une certaine harmonie, une complémentarité entre deux titres, autant l'antithèse rythmique et sonore, d'un morceau à un autre, est difficile à cautionner. Pour finir, que penser de la clôture ? Rien ! A peine démarrée, déjà achevée... En beauté, à la manière d'un Stereotomy Two ? Non, même pas: un banal fade out ! Cet éponyme en pseudo "partie 2" est complètement inutile.
En bref, on est à la limite d'une demi-réussite: plutôt un peu en dessous qu'un peu au-dessus. Avec l'opus suivant, A Valid Path, Alan Parsons ne cherchera pas à reproduire les recettes du passé: il s'essayera carrément à la musique électronique (avec plus ou moins de réussite, mais c'est une autre histoire). Signe avéré de la fin d'une longue inspiration ?