Pour faire simple, les splits peuvent se scinder en deux catégories. La première, la plus courante peut-être, se résume à un simple agrégat de titres, sans véritable lien, enfantés par plusieurs groupes, deux le plus souvent, parfois beaucoup plus. La seconde, la plus intéressante également, épouse une architecture à l’identique mais tient plus de la collaboration entre divers artistes que de la banale agglomération. L’objet prend alors la forme d’un tout cohérent. Ruins Of A Forgotten World entre dans la deuxième case.
Another Moon et Sick Sad World: deux entités hexagonales encore peu connues, deux manières distinctes de peindre un même monde contemporain au bord du gouffre. Différents mais complémentaires, ils accouchent chacun de six pistes dont l’une d’elles, "Ruins Of The Forgotten World", les voit se rejoindre. Si la cohésion de l’ensemble empêche cet album de tomber immédiatement dans le piège de la comparaison que cette entreprise facilite souvent, le fait est que Another Moon, qui ouvre les hostilités, impressionne davantage que son compagnon de route.
Découvert par beaucoup sur la compilation Falling Down, ce one-man band, œuvre de Seb Aka Englar (également responsable du superbe visuel), rumine une musique à la mélancolie lourde dont le caractère essentiellement instrumentale arrime à la mouvance Post Rock, riche en envolées atmosphériques, témoin la furieuse montée en puissance de "There Will Be No Sunshine Anymore", soit douze minutes que creusent des guitares à la fois ferrugineuses et belles à en pleurer. Elles sont le pinceau d’un déchirant désespoir. Témoin aussi le plus squelettique "The End Of All Things", qui débute avec des orgues seventies avant de peu à peu progresser, sans pour autant parvenir à décoller d’une matière terreuse qui lui colle au flanc.
Reposant sur un gros travail en terme de pistes vocales, tour à tour plaintives ou plus énervées, Sick Sad World officie quant à lui dans un registre plus brut et hardcore. Ses compositions sont plus tendues, ramassées, bien qu’une inexorabilité identique à celle de Another Moon court le long de leur colonne vertébrale. Mais le groupe l’exprime avec plus de violence et un son plus poisseux ("Just Break"). Le chant de Julien participe d’une noirceur plombée qui fonctionne finalement mieux lorsqu’il se coule dans la musique épidermique et plus nuancée qu’il n’y parait des Nantais, que lorsqu’il se pause sur les modelés plus ambiants d’Another Moon, le temps du néanmoins douloureux morceau éponyme.
Œuvre homogène et unitaire, Ruins Of A Forgotten World illustre une même vision crépusculaire du monde par deux projets qu’il faudra suivre de près, notamment le premier d’entre eux qui confirme tout le bien qu’on pensait de lui.