"My father once said to my mother that he thought I would be happy in life if all I owned was a bed, a chair and a guitar". Ainsi débute la note d’introduction sur le booklet, illustrant d’emblée la teneur du projet, un Bay Of Kings bis, sans prestation vocale, et surtout dépouillé autant que doit l’être la possession matérielle pour accéder au bonheur. Sur des accents médiévaux, A Bed, A Chair & A Guitar, le 5ème morceau, rendra d’ailleurs hommage à cette philosophie.
De fait, l’équipage de Momentum est réduit à sa plus simple expression : Steve à la guitare classique (et aussi un soupçon de Stepp DGI), et son frère John à la flûte. C’est le premier instrument, celui auquel Steve Hackett accorde un pouvoir pluridimensionnel, qui dominera très largement cet album.
Cavalcanti, assurant l’ouverture, en est à lui seul un représentant idéal : une partition de guitare des plus nostalgiques, tantôt mélodique, tantôt hasardeuse, alternant la prestation technique et l’expression émotionnelle, et s’offrant un final joliment mélancolique au travers de la flûte de John, qui se réapproprie le thème principal en guise de conclusion.
Le voyage se poursuit, faisant la part belle aux variations rythmiques, et prenant un malin plaisir à jouer sur la dynamique musicale –étayant la thèse Hackettienne, selon laquelle la guitare sèche a cette faculté de pouvoir se substituer à une orchestration complète- et obligeant ainsi l’auditeur à tendre l’oreille, à conserver sa vigilance en permanence, s’il entend saisir l’ensemble des subtilités créatives disséminées ici et là.
Au cas, toutefois, où l’effet soporifique l’emporterait, Steve a placé son Concert For Munich en milieu de programme, une très belle (et mélodique) invitation au rêve ou au repos spirituel, démarrant sur une entrée en matière symphonique, et enchaînant sur la générosité sonore de la complice et chaleureuse flûte accompagnatrice. Puis le périple reprend son cours, imperturbable, à la fois changeant et identique à lui-même.
Au final, Momentum mérite-t-il une étoile de plus que son frère cadet Bay Of Kings ? Pas réellement, il s’agit d’un projet issu du même tonneau, qui n’enchantera que de rares oreilles, même chez les mélomanes les plus avertis. A ce stade de sa carrière, Steve Hackett peut bien se permettre une seconde récréation de la sorte, débarrassée d’impératifs commerciaux. Ce n'est pas le caractère classico-acoustique en lui-même qui est responsable de ce constat: c'est la discrétion de l'approche esthétique, d'une manière générale.
Il en reste qu’il est très difficile d’évaluer un album similaire. La précision chirurgicale de la guitare de Steve, la construction mélodique qui est tout sauf racoleuse, l’aspect intemporel, indémodable de ce type de projet, pour peu que l’on se place dans l’état d’esprit de l’artiste, sont autant d’arguments qui plaident en sa faveur. D’un autre côté, l’emphase des sentiments, des évocations, n’est pas de mise ici. Momentum ne peut pas se prévaloir de l’exutoire auditif. Etait-ce d’ailleurs l’objectif ? Certainement pas. Les détracteurs de ce concept pourront reprendre ici la symbolique de l’album, au profit de la critique : "A Bed, A Chair And A Guitar". La chaise et la guitare pour Steve, et le lit pour l’auditeur. En fait, l’artiste nous invite simplement à partager un… moment en sa compagnie. A chacun d’en trouver la substance.