Otargos, combo bordelais en pleine ascension, poursuit avec No God, No Satan sa carrière effrénée. Moins d'un an après un Fuck God Disease Process remarqué, suivi d'une tournée mondiale, la scène BM française accueille avec entrain cette nouvelle offrande. Si vite ? Oui, car le groupe n'a manifestement pas de temps à perdre, et parvient en outre à faire évoluer encore un peu davantage sa direction musicale. Aux antipodes d'un black satanique formaté, Otargos construit sa propre mythologie, par le biais d'ambiances noires comme les eaux du Styx.
La structure-même de l'album est un premier élément intéressant. Entre les morceaux proprement dits (7 au total) s'intercalent en effet des plages de transition qui sont plus que de simples instrumentations vaguement arrangées. "HOAX-VIRUS-GOD" est une introduction réussie, et le diptyque "I, Flesh Of God"/"I, Blood Of Satan" vient ponctuer les mouvements de cette symphonie macabre à la gloire de la Faucheuse. Le premier est une pesante marche forcée, aux relents de funeral-doom angoissants, et le second une cavalcade syncopée, martiale et annonciatrice du final à venir. Les sept titres réels sont tout aussi intéressants, alternant entre un black métal farouche mais classique, et des parties mid-tempo toutes en dissonance, accompagnées de murmures sombres voire de cris sauvages. On note ça et là des influences plus surprenantes, comme ce feeling indus fort à propos sur "Workship Industrialized", ou encore ce solo lumineux en fade-out qui achève "Origin", et rappelle les élucubrations psychédéliques d'Enslaved.
La production en fusion, et pourtant glaciale, est somptueuse. Guitares déchirantes, s'abîmant dans une dissonance tétanisante. Rythmiques martelées par un forgeron céleste, muet et méthodique. Et ce chant torturé, prégnant, qui arrache au cosmos des gémissements d'effroi. Rien à redire: le son d'Otargos a été pensé, longuement, et parvient à lui seul à conférer une présence singulière à la musique du groupe. L'ajout de samples bien sentis ("Hexameron") participe également à l'érection de cette cathédrale d'obsidienne, aussi brillante que tranchante.
Tout n'est cependant pas impeccable sur cet album. A commencer par des longueurs qui favorisent l'immersion dans un premier temps, mais qui se révèlent finalement ennuyeuses après plusieurs rotations. "Cuiusvis Hominis Est Errare", du haut de ses dix minutes, en montre tous les symptômes: après une pénible intro narrée (en français dans le texte) par une voix surchargée d'effets douteux, le morceau s'effondre sur lui-même, dans une mélancolie doucereuse dont l'intérêt décroît au fil des écoutes. Un superbe titre pourtant, qui aurait gagné à être plus concis. D'autres morceaux souffrent d'une monotonie semblable ("XXI" notamment). En revanche, le morceau de clôture, "The Hulk Of Conviction And Faith", parvient pour sa part à dépasser les 8 minutes et à rester d'une lourdeur titanesque, sans se révéler redondant.
Voici donc un album extrêmement solide, hostile mais étrangement accueillant, qui ne manquera pas d'interpeller les amateurs de black désireux de s'aventurer ailleurs que dans un registre classique. Il faudra toutefois que le groupe fasse mieux pour convaincre avec leur prochain album, car en dépit d'une évolution certaine, la rapidité de composition et d'enregistrement risque de laisser des traces...