Ce qui est bien quand on chronique un album de Sodom, c'est qu'on sait à quoi s'attendre. Line-up stable depuis 13 ans, formule éprouvée, pochette militaro-dégueulasse : avant même de lancer la galette au jus de cervelle, on se sent en terrain conquis. Et ce n'est pas une écoute attentive (ni plusieurs) qui changera la donne. Sodom entend bien perpétuer pour une année supplémentaire son titre de pilier du thrash wisigoth.
Fusils d'assaut à l'épaule, l'escouade de la mort emmenée par l'inoxydable Tom Angelripper se lance bannières au vent, sus à l'ennemi, dans un mouvement de troupes dévastateur. Dévastateur, vraiment ? Pour être tout à fait honnête, ces soldats-là n'ont plus leur prime jeunesse, et leurs exploits sur le champ de bataille sont décidément bien loin. On se rappelle avec un frisson d'excitation du cultissime Agent Orange, voire du surexcité Tapping The Veins, et au sortir de ce dédale mémoriel, le constat est clair : en 2010, Sodom a bien du mal à paraître aussi dominateur qu'il le fut jadis. Oh, bien sûr, le chant acide d'Angelripper sent toujours le rance, les riffs du caporal Bernemann sont plus massifs qu'un Panzer et les unités d'artillerie commandées par le lieutenant Bobby font pleuvoir un déluge de feu sur les lignes ennemies avec la même fougue guerrière qu'il y a 25 ans, mais à l'heure du guidage laser et des drones, cette débauche de virilité martiale prête plus à sourire qu'autre chose.
La production, résolument moderne (entendez par-là : fade) ne parvient que rarement à dissimuler les multiples failles stratégiques dans le plan des Allemands. Bien huilée, la grosse Bertha tire pourtant à blanc, et en face, ça rigole sous son casque en préparant la contre-attaque. Alors que d'autres vétérans comme Slayer ou plus récemment Annihilator parviennent avec brio à surmonter les affres de l'âge, Sodom apparaît bien diminué, comme frappé par un choc post-traumatique consécutif à l'explosion d'un dépôt de munitions vieilles de deux décennies. Le feu d'artifice offre parfois une belle rouge ("Through Toxic Veins") ou une belle bleue ("Styptic Parasite"), mais que tout cela est morne...
La retraite semble de plus en plus inévitable.