Pour ceux qui ne connaîtraient pas cette précieuse entité méditerranéenne, sachez que Hexperos épouse la forme d’un hydre à deux têtes, celles de la chanteuse (et flûtiste) Alessandra Santovito et du multi instrumentiste Francesco Forgione.
Découvert en 2007 avec un premier poème, The Garden Of The Hesperides, qui tentait non sans réussite de dompter les forces sombres d’une musique gothique et néo-classique, le duo aura mis trois ans pour enfanter The Veil Of Queen Mab, déambulation toujours aussi obscure dans le monde des rêves et des légendes celtes.
Entre musique classique contemporaine ("Nocturne") et sonorités médiévales, il s’agit d’un recueil introspectif aux arrangements et orchestrations superbes qui s’arc-boutent sur l’alliance entre le chant soprano tragique d’Alessandra et les notes ténébreuses tissées par son comparse, et que soulignent les interventions squelettiques de divers instruments tels que harpe celtique, basse, violon et guitare sèche, celle de Riccardo Prencipe (Corde Oblique) le temps du dépouillé et final "Asturiana".
C’est magnifique et d’une puissance souterraine qui serpente sous des étendues faussement limpides. Loin, tellement loin des histoires d'elfes mièvres et gentillets, l’art des Italiens se veut au contraire crépusculaire, peinture d’une féerie dramatique, d’un romantisme nocturne qui n’est parfois pas sans évoquer l’univers des derniers psaumes de Dark Sanctuary. Œuvre aux traits jamais appuyés, Hexperos procède par petites touches délicates.
D'une dimension intimiste certaine, The Veil Of Queen Mab se parcourt comme un récit s’ouvrant sur un prologue ("The Fairy Appears"), voyage aux accents cinématographiques prononcés (le duo cite également comme influences les bandes originales de films ainsi que les travaux arides de Philip Glass). C’est un monde peuplé d’ombres que caresse la voix tour à tour éthérée, murmurée ou opératique de la jeune femme ("Queen Mab") qui se vit, se ressent. Vouloir le décrire avec précision reviendrait à lui voler une bonne partie de son charme un peu irréel.
Baroque et d’une beauté déchirante ("Summatem Dream"), cette seconde offrande est un écrin mystérieux d’une belle musicalité, davantage encore que ne l'était The Garden Of The Hesperides, dont The Veil Of Queen Mab est le raffiné et précieux successeur. Amoureux de projets tels que Dead Can Dance ou Autumn Tears, nous ne saurions trop vous conseiller d’accepter cette invitation à suivre Hexperos dans ses fuligineuses contrées aux teintes presque religieuses.