Un album de reprises, ce n’est sans doute pas l’idée la plus originale que Fish ait pu avoir. Mais l’exercice étant assez classique, au moins une fois dans les longues carrières discographiques, il convient de ne pas préjuger du résultat, et d’analyser ce Songs From The Mirror en se posant la bonne question : l’ex-leader de Marillion a-t-il réussi à s’approprier les créations qu’il a choisi de réinterpréter ?
Première bonne surprise, la sélection revendique quelques signatures prestigieuses, parmi lesquelles Pink Floyd ("Fearless"), Genesis ("I Know What I Like"), ou David Bowie ("Five Years"). Ces trois reprises sont assez réussies, mais les tendances vont au-delà de celles de la musique rock ou progressive. Autre élément de satisfaction, le chanteur semble réellement impliqué dans chacun des morceaux interprétés. Il n’y a pas vraiment, dans cet album, de moment pouvant faire penser que la tentation du remplissage se soit substituée à la démarche artistique.
Ainsi, entre autres choses, Fish déploie talentueusement une belle palette vocale sur l’énergique "Question", de J. Hayward (sa prestation devenant tour à tour agressive, protectrice, plaintive), s’imprègne totalement du bercement d’un très romantique "Solo" (S. Denny), ou s’élance dans les rondes folklorico-country de "Jeepster" (M. Bolan) ou d’ "Apeman" (R.D. Davies), laissant sa voix évoluer naturellement au gré de leurs développements ludiques et enjoués. Bref, le soin apporté à ces interprétations donne à penser que le projet tenait réellement l’artiste à cœur, en tout cas qu’il s’agissait là d’une volonté située au-delà de la seule opportunité de publier une nouvelle galette.
Malheureusement, si la qualité des prestations vocales et la pertinence des sélections sont l’une et l’autre au rendez-vous (exception faite de "Boston Tea Party", plutôt monocorde et lancinant), il n’en est pas de même pour la présence de la dimension instrumentale, manquant cruellement de relief, aussi improbable que cela puisse paraître. Dans son ensemble, la sonorité de cet album est très éloignée de l’emphase musicale d’un Internal Exile ou d’un Vigil In A Wilderness Of Mirrors. Le retour du miroir ne procure ici qu’un étrange reflet. L’ambition d’apporter un éclairage nouveau à cette série de créations est palpable, mais très curieusement, elle renonce à se doter de l’orchestration nécessaire.
Concernant la question de la réappropriation musicale à la sauce Fish, la réponse est sans doute positive, mais le concept n’a pas dépassé le stade de la réécriture individuelle de compositions qui se retrouvent, in fine, collées les unes à la suite des autres, c’est-à-dire sans vision d’ensemble apte à unifier l’édifice. Il manque un liant, quelque chose qui aurait pu souligner, embellir la cohérence du projet.
L’impression laissée au final par ces chants du miroir demeure assez tiède. Dommage, car cette musique est sincèrement portée par l’enthousiasme vocal de notre ami Dick.