Quel étonnante expérience que ce The Art Of Madness ! Etonnante d'abord parce que le groupe qui l'interprète, The Psychedelic Ensemble, n'est en fait constitué que d'un seul membre, et que ce multi-instrumentiste facétieux a décidé de garder l'anonymat, ce qui est plutôt inhabituel dans le monde de la musique. Etonnante ensuite, car nous sommes en présence d'un concept album où tous les titres s'enchaînent pour ne former au final qu'une pièce unique d'environ 55 minutes, et que rares sont les groupes qui aujourd'hui se risquent à ce genre d'exercice. Etonnante enfin parce que, de l'aveu de l'artiste, il s'agirait essentiellement de thèmes improvisés sur lesquels il aurait par la suite ajouté les parties de basse, de batterie et les lignes de chant.
On est donc intrigué par tous ces éléments et un peu inquiet à l'idée de découvrir le résultat d'un quelconque effet de fumée destiné à se faire de la pub, ou une œuvre prétentieuse ayant échappé au contrôle de son créateur. Point du tout. The Art Of Madness tient toutes ses promesses : c'est un album riche, varié, inspiré, mélodieux, inventif. Et très surprenant.
D'abord parce qu'il est difficile de penser qu'un seul artiste ait réalisé à lui seul l'ensemble de ces titres. Il y a un foisonnement d'instruments rendant certains morceaux très symphoniques. On peut ainsi entendre tour à tour des guitares acoustiques et électriques, de la basse, du piano, des orgues de toutes sortes, de la batterie, du saxo, de la flûte, de la harpe, de la scie musicale et de l'accordéon,... ces derniers instruments étant probablement issu de quelque synthé. De plus, le chant est parfois très différent d'un morceau à l'autre et ne semble pas sortir du même gosier. Par exemple, dans Ectasy, la voix ressemble à celle de David Gilmour alors que sur Moon Mad on jurerait entendre chanter Rod Stewart.
Par ailleurs, comment croire que cette musique soit en majeure partie improvisée ? Il y a à la fois une grande cohérence d'ensemble, mais aussi une très belle diversité avec un équilibre parfait entre les titres intimistes et ceux plus symphoniques, entre les moments harmonieux et ceux plus discordants, entre les passages chantés et ceux instrumentaux. Loin de l'improvisation, l'impression dominante est au contraire que tous les éléments ont longuement été mûris pour être agencés de manière optimale.
Le concept de l'album décrit les différentes manifestations de la folie auquel un individu se trouve confronté. Cela donne l'occasion à l'artiste d'alterner des pièces plutôt calmes et des morceaux plus agités, voire légèrement dissonants. Il serait fastidieux de décrire l'ambiance musicale des titres, tant celle-ci est variée. Nous pourrions résumer en disant que, s'il fallait y reconnaître une influence majeure, nous citerions certainement celle de Pink Floyd, notamment la période de The Dark Side Of The Moon. Le morceau d'introduction suit la même construction que Speak To Me/Breathe, le rire de dément qui revient sur plusieurs titres à un faux air de celui de Brain Damage, et la guitare et le chant font souvent penser à David Gilmour.
Mais se borner à comparer cet album à un ersatz de ceux du Floyd serait injuste et trop limitatif. The Art Of Madness possède une originalité qui lui est propre et l'inspiration de l'auteur nous entraîne parfois vers d'étranges mélodies rappelant Prokofiev ou Art Zoyd. Ectasy est aérien, Panic chaotique et affolé, Fantasy languissant et hippie, Delusion expérimental, Moon Mad inquiétant, Despair désenchanté, Apparition déstructuré et fantomatique, Breakdown agressif et Revelation majestueux. Il y en a pour tous les goûts. Ne manquez ce disque sous aucun prétexte.