1989, la France commémore le bicentenaire de la fin de la royauté : comme d'habitude, lors de ce type d'événements, des tonnes de projets plus ou moins farfelus et plus ou moins intéressants sont mis sur pied afin que chacun à son petit niveau d'importance se donne l'impression de laisser sa marque dans l'histoire.
C'est pourtant au plus petit département français, le Territoire de Belfort, mené par son iconoclaste président, Jean-Pierre Chevènement, que nous devons le projet sans doute le plus décalé par rapport à l'événement : confier à Ange les clés de la manifestation. C'est manifestement une incroyable reconnaissance apportée au groupe phare de la région, mais également une certaine dose d'inconscience quand on connaît l'anti conformisme du groupe et sa propension à sortir des sentiers battus.
Dans le cadre de ce projet, le groupe va proposer un package complet à l'élu : un spectacle avec un ballet mené par la femme de Daniel Haas, un roman signé Christian Décamps et bien entendu l'album dont il est ici question, Sève qui Peut qui scelle la réunion des membres historiques du groupe.
Collection conceptuelle de neuf pièces articulées autour des aventures du chêne Querçus, Sève qui Peut revisite l'Histoire à la manière des mots de Christian Décamps, utilisant moult paraboles et autres litotes habituelles pour faire passer son message.
Musicalement, la page de la première moitié des 80's et ses sonorités synthétiques est définitivement tournée, et le son proposé ici sonne résolument moderne, bien mis en valeur par une production ample. Et, élément le plus important à nos oreilles, le groupe a retrouvé une belle inspiration, qui se prolongera jusqu'aux dernières notes… Des Larmes du Dalaï Lama ! Impossible en effet de ne pas voir la filiation musicale évidente entre les deux dernières productions de la première version d'Ange, la seconde sonnant comme un aboutissement de celle-ci.
Les bons moments sont donc légion sur ce Sève qui Peut, les alternances entre parties langoureuses/poétiques (Vivre avec le Cœur) à la Christian Décamps, titres percutants (Non !) ou passages instrumentaux endiablés (L'Or, l'Argent et la Lumière) balayant toute la panoplie du style cher au groupe, entraînant l'auditeur dans son habituelle farandole. Incontestablement, le groupe a retrouvé la cohésion qui lui faisait défaut les années précédentes et, malgré un style que l'on ne pourra guère comparer aux albums des débuts dorés, la musique proposée sur cette galette n'a pas grand-chose à leur envier.
20 années après l'événement ayant donné naissance à Sève qui Peut, impossible de retrouver l'avis du commanditaire de l'œuvre. En revanche, il nous reste un album solide, certes pas exempt de défauts, mais qui tient toute sa place dans la discographie du groupe. A savourer sans modération.