Ce combo danois n’est pas un nouveau venu sur la scène métal. "Safe" est même déjà leur septième album. Formé en 1996 autour des frères Larsen, il nous propose un métal assez complexe, où de multiples influences se croisent ; Iron Maiden (pour la puissance et les guitares), Iced Earth (pour le côté épique), Blind Guardian (pour la voix, les mélodies parfois alambiquées), en y ajoutant des approches speed (à la Cage). Après deux opus assez sombres mais aux mélodies et structures travaillées, la pochette toute noire et plus simple qu’à l’habitude ne semble toujours pas les destiner à approcher le happy métal.
Le bien nommé premier titre "In The Abyss Of Desperation", donne immédiatement le ton. Le rythme des guitares est saccadé, poursuivi par une batterie qui ne fait pas dans la dentelle. La voix désespérée de Lars, les chœurs profonds et variés, plutôt réussis, complètent le tableau, pas le genre de truc à accrocher dans son salon. Seuls quelques riffs aux claviers viennent éclaircir un peu l’horizon. C’est une bonne entrée en matière, même si les plus sensibles d’entre nous auront déjà décampé des lieux. Le titre suivant, "Silence The Freedom" veut enfoncer le clou, mêmes guitares et batterie saccadées, même chant un peu trop linéaire et qui peut devenir lassant malgré sa puissance. La mélodie est simple mais trop peu accrocheuse pour faire de ce titre un hymne. Le changement de rythme aux deux tiers du titre n’y fait rien. A force de vouloir taper fort sur le clou, Manticora se frappe sur les doigts en confondant puissance et lourdeur.
Avec "Complete", il redresse la barre (ou le clou). Riff imparable en intro, qui revient de manière récurrente pour sérieusement alléger le propos, petite note de claviers aériens, rythme speed à géométrie variable, beau solo de guitare, même le chant se fait plus accessible. Du coup, le voilà, les Danois le tiennent leur hymne ! Suivent ensuite deux plages très speed, qui passent relativement bien pris séparément, avec de belles parties de guitare, mais toujours ce chant qui, sans être mauvais, montre ses limites. La seconde, "A Lake That Drained", est même vraiment bonne, avec une réminiscence de Blind Guardian qui semblait avoir disparu des titres précédents.
Juste après le dispensable "Carrion Eaters", arrive la pièce maîtresse de l‘album, "Safe", titre de plus de 14 minutes. On y retrouve le style épique cher à Iced Earth, un excellent solo de guitare après 7 minutes, et même un passage lent à la guitare acoustique. C’est là que l’on se prend à se souvenir que Manticora avait déjà pondu quelques très belles power ballades. Il n'y en a point ici, et cela manque au relief de l'album.
Comme pouvait le laisser prévoir l'artwork de la pochette, Manticora a voulu simplifier, durcir, noircir sa musique, au risque de se couper de sa frange de fidèles les plus amateurs de mélodie, voire de progressif. Peut-être va t'il satisfaire les amateurs de thrash et de speed métal qui devrait y jeter une oreille, mais il faut reconnaître que les premières écoutes sont assez laborieuses en raison d’une apparente linéarité de rythme, de jeu de guitare et de chant. C’est titre par titre, et attentivement, qu’il faut aborder l’album pour en extraire les meilleurs, afin de les raffiner écoute après écoute. Mais qui prendra ce temps ?