Deux ans après Bankstatement, l’ami Tony remet le couvert en renforçant les bases : l’équipage vocal est démultiplié, et le casting n’est pas des moindres ! La chanteuse australienne Jayney Klimek est toujours là, Tony lui-même se réservera encore une fois sa part du gâteau avec l’interprétation de Hero For An Hour, et pour la suite, jugez plutôt : Fish, Nik Kershaw et Andy Taylor. Dans l’ordre, est-il nécessaire de présenter encore l’ex-chanteur de Marillion, l’interprète des Wouldn’t It Be Good et The Riddle (les années 80 ont laissé d’ineffables traces !), et l’ancien guitariste de Duran Duran ? Ajoutons à cela -Andy Taylor n’étant pas sollicité ici pour taquiner la six cordes- le grand retour de Daryl Stuermer qui tient la guitare sur l’intégralité des 10 plages, ainsi que la présence d’un Another Murder Of A Day, d’une durée de 9 minutes -interprété par l’inénarrable Fish- et nous avons pas mal d’ingrédients pour espérer un résultat à la sauce néo-progressive dont les ex de la bande à Genesis ont pu nous gratifier quelques fois, au cours de leurs diverses carrières en solo.
Et pourtant, en dépit des apparences, ce Still va se révéler sensiblement moins original que l’opus précédent. Rien à redire sur la production, aussi exemplaire que celle de Bankstatement : l’album est homogène, et aucun des morceaux ne semble avoir été "précipité" dans sa conception, qu’il s’agisse des mélodies, de la justesse vocale, ou du mixage – pour la deuxième fois après Bankstatement, nous avons l’agréable sentiment que les claviers de Tony, tout en conservant les faveurs de leur protecteur, laissent suffisamment d’espace pour que le reste de l’instrumentation puisse respirer. Mais cette (trop grande ?) homogénéité est ici responsable d’un manque de relief. Dès la première écoute, il apparaît très vite que la musique de Still est inéluctablement linéaire. La faute à une enveloppe sonore peut-être un peu trop "cristalline", la plupart du temps très haut perchée ? Toujours est-il que le projet n’est parcouru que par deux "ponctuations" seulement, Still It Takes Me By Surprise, dominé par la voix plaintive d’Andy Taylor et la tirade d’un piano mélancolique (personne n’étant crédité pour cet instrument, on le suppose synthétique, mais il en émane néanmoins une belle chaleur), et Water Out Of Wine, porté par la prestation vocale envoutante de Jayney Klimek que souligne harmonieusement la basse de Pino Palladino.
Tous les titres sont bons, voire très bons, mais hormis sur ces intermèdes, le formatage rythmique et sonore de l’ensemble est un peu trop évident, trop "voyant". Quant à Hero For An Hour, soutenu au chant par le maître, il tente la réédition de Me And Sarah Jane sur le "génésien" Abacab, en embarquant la prestation vocale dans une circonvolution mélodique assez difficile à suivre. Pas inintéressant, mais l’impact n’est certainement pas à la hauteur de celui de son modèle "génésien" de 1981. Il est néanmoins tout à l'honneur de l'artiste de se risquer encore à ce genre d'exercice.
S’agissant des mentions très bien, citons Angel Face, qui accroche efficacement l’attention (Fish à l’ouvrage sur le lead vocal… un bon choix ici !), Back To Back, qui dégage une belle énergie rappelant celle de Queen Of Darkness sur Bankstatement (et toujours avec Jayney Klimek au chant), et The Final Curtain, un slow puissant interprété par Nik Kershaw, qui conclut magistralement la galette sur un ton épique. Une déception à noter au sujet de Another Murder Of A Day, dont l’ouverture effectivement aurait pu laisser présager d’un développement néo-progressif… que l’on attend et qui ne viendra pas.
En un mot, la cuvée reste qualitativement et conceptuellement dans la lignée de Bankstatement ; le petit côté magique en moins.