Renouvelant l'expérience de "And Close As This" où il avait fait le choix délibéré de n'utiliser pour tout instrument que des claviers, Peter Hammill revient avec un album 100 % guitare, … ou presque.
En effet, si lui-même se restreint aux seules cordes de sa guitare acoustique et accessoirement d'un luth, ses vieux compères que sont Stuart Gordon et David Jackson viennent au détour d'un morceau lui tenir compagnie, qui de son violon, qui de son saxophone.
Si la guitare est donc l'instrument dominant, il ne faut cependant pas s'attendre à des descentes de manche étourdissantes, Peter Hammill étant tout sauf un guitar hero. "Clutch" est un album entièrement acoustique, très largement empreint d'une mélancolie magnifiquement restituée par les cordes vocales de Hammill, dont la qualité principale demeure la sensibilité dont il sait habiter ses chansons.
Les titres suivent une structure inhabituelle dans lesquelles se retrouvent quelques thèmes récurrents noyés au milieu d'une interprétation libre, donnant l'impression d'une improvisation quasi permanente mais parfaitement maitrisée. Il suffit d'écouter un titre comme "The Ice Hotel" pour se persuader de l'originalité du propos de l'artiste dont la voix semble errer aux confins du néant et drainer à sa suite des instruments dont les sonorités ne servent qu'à magnifier le chant.
Depuis plusieurs années, Peter Hammill a renoncé à jouer les rockers révoltés pour délivrer des chansons douces amères où son timbre grave sait réveiller en nous une agréable émotion. Et s'il se laisse aller sur certains titres à la colère ("This Is The Fall"), sa voix vibre alors dans des aigus incisifs pour cracher sa frustration et son dégoût. Tout le charme de cet album réside dans ces variations de rythme, de timbre et de puissance que cette voix hors norme impulse à chaque titre. "Clutch" ne recèle peut-être aucun tube FM, mais Peter Hammill fait la démonstration magistrale qu'il maitrise admirablement son chant, d'autant plus mis en valeur par le dépouillement de l'orchestration.
La tonalité de l'album est plutôt sombre, très sombre même, chaque titre trouvant un écho dans celui qui le précède ou celui qui le suit. Les neuf morceaux constituent un ensemble cohérent bien que varié, dont l'écoute se révèle cependant éprouvante tant le désespoir et l'angoisse suintent tels de vénéneux poisons qui finissent par corroder l'âme.
Comme toutes les œuvres de Peter Hammill, "Clutch" est un album exigeant qu'il n'est pas conseillé d'écouter d'une oreille distraite si on veut en découvrir toute la finesse. A réserver cependant à un public averti, soit déjà familier du chanteur, soit avide de paysages sonores atypiques et complexes.