La pochette donne le ton : on y découvre un Peter Hammill grisonnant prenant une pose réfléchie, symbole de l'âge de raison et de la maturité. Et à l'écoute d'Everyone You Hold, il devient vite évident que désormais les émotions passeront au travers de chansons plus calmes, les cris de révolte appartenant désormais au passé. Au travers de sa discographie foisonnante, Hammill a déjà délivré des opus très calmes, et l'homme est plus introspectif qu'extraverti. Mais Everyone You Hold marque un tournant. A partir de cet album, sa musique et ses textes vont porter les effluves d'un désabusement fataliste vis-à-vis du temps qui passe, de l'éloignement et de la solitude, ses thèmes favoris.
Et force est de constater que cette tendance lui réussit à merveille. Poète ténébreux et désenchanté, sa voix profonde et de plus en plus grave au fil des ans restitue admirablement la souffrance, l'angoisse, la peur latente, la résignation, ne laissant que rarement éclore quelques bulles d'espoir. Chaque titre lui donne l'occasion de se tordre et s'enrouler autour des instruments qui, bien loin de jouer les utilités, restent néanmoins discrets et dont sortent le plus souvent des sonorités inhabituelles.
Les compositions sont intimistes, dépouillées et mélancoliques. Les titres, bien que courts, ne sont pas vraiment des chansons. Même si leur structure est proche des traditionnels couplets/refrains, les mélodies sont tellement tourmentées qu'elles en deviennent insaisissables et qu'il est bien difficile de les chanter. Il faut s'appeler Peter Hammill ! Certains titres peuvent même être qualifiés de "chansons expérimentales", Hammill laissant sa voix développer un chant peu structuré sur un fond sonore créé par des sons étirés et quelques bruitages.
Il en ressort un ensemble cohérent où tous les morceaux présentent une qualité égale et une même intensité, écrin somptueux pour le joyau que constitue Phosphorescence. Après une introduction minimaliste et discordante, la mélodie se met en place par petites touches. La voix très grave et presque étouffée de Peter Hammill sert de contrepoint aux voix stratosphériques (sic PH) de ses deux filles, jouant les choristes pour la première fois sur un disque de leur père. Le titre dégage une lumière intérieure, une quiétude et une douceur rarement atteintes, les cordes des violons de Stuart Gordon offrant un merveilleux lit pour cet enchevêtrement de voix célestes.
Everyone You Hold nous offre toute une palette de paysages minimalistes et confidentiels qui laissent l'impression vague d'une douce nostalgie. Un album recueilli, presque religieux, qui tutoie souvent les anges.