Avec Fireships, Peter Hammill inaugure la série de ce qu’il baptise les "loud ones" et les "quiet ones". En effet, à cette période Hammill a la curieuse idée de produire des disques constitués uniquement soit de titres très doux, soit au contraire de compositions énergiques.
Fireships appartient indiscutablement à la catégorie des "quiet", et il ne faut pas se fier au titre qui ouvre l'album, I Will Find You, une chanson mid-tempo essentiellement interprétée à la guitare avec un chant très posé, pour croire que le ton est donné. Ce titre un peu mou est éminemment plus énergique que le reste de l'album. Il en est aussi le moins bon.
Car ce n'est pas parce que Peter Hammill a fait le choix de regrouper un certain nombre de pièces intimistes que la qualité n'est pas au rendez-vous. Bien au contraire, ce disque recèle de véritables pépites pour qui se donne la peine de bien vouloir écouter. Sur la lancée de l'excellent Out Of Water, Hammill prouve qu'il a renoué avec l'inspiration. Par ailleurs, il interprète magistralement les différents titres d'une voix au timbre grave et profond. Sans presque jamais élever le ton, sans artifice, son chant dépouillé restitue parfaitement toute une palette de sombres sentiments.
Il faut également rendre hommage au très beau travail d'orchestration de morceaux tels que Curtains où le final symphonique et les violons larmoyants renvoient aux merveilleuses heures de This Side Of The Looking-Glass, le doux Given Time aux nappes de cordes synthétiques, ou encore le nostalgique Gaia. Certes, il ne faut pas s'attendre à un déluge orchestral. Si l'instrumentation est fournie, elle n'en est pas moins discrète, les nuances oscillant entre le pianissimo et le mezzo-piano d'un bout à l'autre du disque.
Elle l'est moins toutefois que sur des titres encore plus intimistes comme le lancinant et insidieux His Best Girl, sans espoir et monotone comme la vie de cette pauvre fille dont la chanson raconte l'histoire, l'oriental Oasis où un sax arabisant déroule ses volutes au rythme d'une percussion donnant l'impression d'avancer à dos de chameau, et le somptueux et évanescent Incomplete Surrender sur lequel le temps semble s'être arrêté.
Fireships est le premier album produit par FIE!, le label que Peter Hammill vient de créer. Probablement lassé des vicissitudes de maisons de production qui, le considérant comme un artiste peu médiatique (car peu médiatisé ?), ne se donnaient pas la peine de peaufiner la production de ses albums, Hammill a décidé de franchir le Rubicon. Et le résultat est à la hauteur de ses ambitions. La qualité de la production, assurée par David Lord et Peter Hammill lui-même, permet de rendre toute leur sensibilité aux nuances et que chaque instrument ressorte clairement, évitant de le noyer dans un marécage sonore indistinct.
Tout n'est cependant pas parfait. Ainsi, même si chaque titre pris individuellement est très beau, la juxtaposition de tous ces morceaux très intimistes donne une fausse impression de lissage et l'ennui peut pointer son nez pour peu qu'on ne soit pas attentif. Très riche et tout en finesse, il est indispensable d'être au calme et concentré sur l’écoute pour saisir toutes les subtilités de cet album. Un plaisir délicat se trouve alors au bout du chemin.