Entre son précédent album studio (This) et celui-ci, deux ans se sont écoulés. Mais si 1999 n'a pas eu le bonheur de donner le jour à un disque au format classique (mais peut-on parler de "format classique" avec Peter Hammill ?), les aficionados auront pu patienter avec un live (Typical), un album expérimental (The Appointed Hour) et la version réenregistrée de son opéra rock The Fall Of The House Of Usher. Eclectique, avez-vous dit ?
Eclectique, c'est exactement l'adjectif qui peut s'appliquer à None Of The Above, même si la tonalité générale de l'album baigne l'auditeur dans une douceur mélancolique zébrée de temps à autre de brèves crises de douleur ou de rage fulgurantes. Une marque de fabrique de plus en plus identifiable depuis Everyone You Hold.
Comme d'habitude, les "chansons" sont loin d'être accessibles à la première écoute. Hormis Touch And Go et Astart, ouvrant et fermant respectivement l'album, et qui seuls peuvent revendiquer des mélodies suffisamment identifiables pour être fredonnées, les autres titres développent des embryons de mélodies qui se rétractent ou se distendent, des sons étranges qui se superposent, se télescopent et qui, comme par inadvertance, s'harmonisent quelquefois.
Et cependant, l'art de Peter Hammill fait que la magie opère. Ce qui ressemble de prime abord à une cacophonie mal maîtrisée ou à de bonnes idées inexploitées, se révèle à la longue d'une profondeur rarement égalée. Les titres prennent vie, chaque histoire racontée est en parfaite symbiose avec la musique qui la porte. Ainsi, cette vie de solitude et d'immobilisme dépeinte dans Naming The Rose est-elle parfaitement restituée par cette musique toute en lenteur et en finesse, porteuse d'un monde de dissonances, de non-mélodie et de mélancolie. Un chant presque a capella, des chœurs angéliques, un violon nostalgique et le tour est joué.
Album assez intimiste, comme c'est de plus en plus fréquemment le cas, dans lequel Hammill assure la totalité des instruments, hormis des collaborations très épisodiques avec le toujours très sensible violon de Stuart Gordon, les voix célestes d'Hollis et Beatrice Hammill qui, mêlées aux nappes de synthé sur Astart, mettent du baume au "chœur", et la batterie apathique de Manny Elias.
Chaque titre apporte son lot de surprises qu'il faut avoir la patience de découvrir. Si tout n'est pas parfait (un manque d'implication dans le chant sur Somebody Bad Enough, une percussion linéaire et agaçante) et nécessite parfois de véritables efforts (l'expérimental In A Bottle tenant de l'improvisation, de la cacophonie et des chants d'ivrogne mélangés, totalement déstructuré et pourtant poignant), None Of The Above reste un album haut de gamme qu'il serait malvenu d'ignorer.