Après le bruyant et peu convaincant The Noise, Peter Hammill revient un an plus tard avec un album complètement différent, ne faisant partie ni des "quiet", ni des "loud ones" qu'il avait inaugurés deux ans plus tôt. Comme à son habitude, Hammill assure toutes les parties vocales, ainsi que celles aux guitares et aux claviers, hormis l'orgue Hammond qu'on peut entendre sur The Gift Of Fire, joué par Simon Clarke, un nouveau venu dans le monde "hammillien". Les quatre autres musiciens officiant sur cet album nous sont plus familiers : on ne présente plus David Jackson et Nic Potter, tous deux anciens membres de Van der Graaf Generator et compagnons de longue date du chanteur. Stuart Gordon et son violon enchanté ont rejoint Hammill depuis Patience, alors que Manny Elias n'a lui participé qu'au dernier disque, The Noise.
L'album est ramassé autour de cinq compositions, dont deux approchant les dix minutes, et une longue pièce de vingt minutes. Peter Hammill reviendrait-il à une musique plus teintée de progressif ? Eh bien, pas vraiment !
Sharply Unclear constitue une excellente introduction : Peter Hammill y joue de la guitare comme il l'a rarement fait, un son très direct, très "Beatles-like", période Abbey Road. La chanson tourne en boucles, mais enfonce le clou à chaque passage. Un titre très réussi, suivi d'un court intermède instrumental, assez atmosphérique, où l'on jurerait entendre une flûte des Andes et des cloches tibétaines. L'intermède enchaîne avec le morceau suivant, The Gift Of Fire. Et c'est à partir de ce moment-là que les choses se gâtent.
Car ce titre, comme celui qui le suit, sont deux rocks mid-tempo qui n'ont rien pour accrocher l'auditeur. Le sax est nasillard, la batterie lourde et formatée, la guitare sans génie et surtout la voix d'Hammill manque de conviction. Le chant peu percutant nous ramène aux tristes heures de In A Foreign Town et ce n'est pas le court solo de violon au milieu de You Can't Want What You Always Get, lumineux et impeccable, qui peut sauver le titre de sa médiocrité.
La longue suite A Headlong Stretch est un titre découpé en sept mouvements tel que Peter Hammill en a déjà composé par le passé, en solo ou avec VDGG. On pense immédiatement à A Plague Of Lighthouse Keepers ou à Flight, et on se plaît à croire au miracle. Certes, tous les ingrédients sont réunis et la musique navigue d'une douceur acoustique à une énergie plus électrique, sans oublier les passages déstructurés et légèrement discordants. Mais, même si les intentions et la patte de Peter Hammill sont clairement identifiables, l'ensemble est un peu artificiel et manque de consistance, et même d'engagement. Le dernier titre en forme d'hymne, Your Tall Ship, aurait lui aussi mérité un zeste de passion supplémentaire et évite de peu la mièvrerie.
Cette écoute laisse une étrange impression d'inachevé. Le disque est rempli de bonnes idées sous-exploitées et souffre d'un manque d'engagement inhabituel chez Peter Hammill. Peut-être cet artiste surprenant aura-t-il un jour l'idée de remixer ce disque : en y insufflant la passion dont il sait si bien faire preuve, il pourrait facilement le transformer en un excellent album.