Le nouvel album de Peter Hammill, Sonix, paraît la même année que l'excellent X My Heart. En fait, Sonix ne fait pas partie des albums "classiques" du chanteur, mais est plutôt affilié à la catégorie des disques expérimentaux, tels que Spur Of The Moment et autres Loops & Reels.
Ces deux derniers albums nous avaient laissés dubitatifs. Les qualités qui font d'Hammill un artiste remarquable et essentiel sont la finesse de ses compositions et son interprétation vocale hors normes, qualités inutiles dès lors qu'il s'agit d'improvisations instrumentales. Ceux qui sont accros au chant habité de Peter Hammill devront patienter jusqu'au prochain opus : Sonix est presqu'entièrement instrumental, si ce n'est un court (mais beau) passage chanté sur les trois dernières minutes de Labyrinthine Dreams. Par contre, Sonix se révèle plus construit et moins expérimental que ses deux prédécesseurs.
En fait, cet album rassemble différents travaux réalisés par Hammill sur les deux dernières années. Une grande partie du disque est occupée par les titres de la bande originale du film "Emmène-moi". Vous ne connaissez pas ? Une brève recherche sur internet nous apprend qu'il s'agit d'un film d'Edmond Bensimon ayant pour interprète principal Gérard Darmon et racontant l'histoire d'un quinquagénaire qui a résisté aux coups du sort que la vie lui a réservés grâce à son idole, Charles Aznavour, qu'il décide de remercier pour son soutien aussi involontaire que permanent.
Si ce thème ne paraît pas aussi noir, aussi dramatique que ce que la musique pourrait laisser penser, les six titres de l'album consacrés à cette BO (les cinq premiers et le dernier, reprise du thème initial) sont loin d'être joyeux. La musique est très lente, introspective, mélancolique, l'auditeur dérive sur des eaux brumeuses par une nuit sans lune. Certains titres sont très mélodieux (le poignant Emmène-moi), d'autres plus expérimentaux (Dark Matter, agressif, ou encore Hospital Silence, assez contemporain), mais l'ensemble s'écoute sans l'agacement ou l'ennui que l'on pouvait craindre.
Dans la même veine, Exercise For Louis, bien qu'il n'ait pas été composé pour le film, n'aurait pas déparé l'ensemble. Passons vite sur l'exécrable Four To The Floor qui mettra vos tympans à rude épreuve par son désagréable bourdonnement sourd et continu, pour arriver à la longue suite (26 minutes) Labyrithine Dreams.
Ce titre a été créé à la demande de Luis Bruni et Raffaella Rossellini pour servir de support à leur ballet. Interprétée uniquement au piano, et chantée sur les trois dernières minutes seulement, la musique est constituée de quelques notes et accords répétés inlassablement, imposant son rythme cyclique parfois perturbé de quelques trilles et mordants. La mesure irrégulière donne quant à elle l'impression d'écouter une boîte à musique quelque peu déréglée et bancale. Certes très répétitif, mais majestueux, cristallin, impressionniste, … en un mot, fantomatique.
Aucun album de Peter Hammill n'est d'accès facile, et moins encore ceux à classer dans la catégorie expérimentale. Néanmoins Sonix échappe à la règle. Il ne faut certes pas venir y chercher ce que l'on s'attend à trouver d'habitude dans les disques de PH. Mais une fois prévenu, on peut prendre plaisir à écouter ce CD pour peu qu'on apprécie la musique mélancolique, dépouillée et introspective.