Peter Hammill a notamment mis à profit les deux années qui séparent le décevant Roaring Forties de son nouvel album, X My Heart, pour partir en tournée en Russie et en Allemagne avec ce qu'il appelle le "pH Quartet". Outre lui-même, le "pH Quartet" est constitué du violoniste Stuart Gordon, du saxophoniste David Jackson et du batteur Manny Elias. C'est durant cette tournée que lui vient l'idée de composer les titres de son nouvel album pour un groupe ayant deux instruments "lead" (violon et sax) et pas de basse. Une formation on ne peut plus originale.
La musique des huit titres de l'album reflète largement cette originalité. Si la durée des morceaux, oscillant entre cinq et six minutes, est d'une grande homogénéité, leur teneur est au contraire d'une grande variété, chaque titre possédant une personnalité bien à lui. Néanmoins, le style caractéristique de Peter Hammill permet à l'ensemble de garder une grande cohésion, effet renforcé par la reprise en fin d'album du titre d'ouverture, le premier étant chanté a capella tandis que le second en est une version orchestrale.
Cet album est l'un des meilleurs que Peter Hammill ait offert à son public depuis longtemps. Fourmillant d'idées, musicalement raffiné et très recherché, il renvoie aux belles heures de The Future Now ou de pH7. Les titres développent chacun leur tour de superbes ambiances où Hammill se plait à mélanger avec une rare intelligence, le violon, les sax, la voix lead et les chœurs.
Les chœurs, il en est immédiatement question sur le titre d'ouverture, A Better Time, puisqu'ils constituent la seule armature musicale sur laquelle s'élève un chant profond, chargé d'émotions. Un moment lumineux, céleste et tendre à la fois. Cette voix, l'arme fatale de Peter Hammill, qui lui avait tant fait défaut sur ses deux derniers albums, illumine littéralement l'écoute de X My Heart. On la retrouve, claire et puissante, sur Amnesiac, aux étranges sonorités de violon et de flûte. Elle revient, tout en sobriété, sur Ram Origami, mais enveloppée de diverses ornementations vocales (doublement du chant, chœurs) ordonnançant une lente montée en puissance d'un titre qui se révèle captivant et oppressant. Elle interpelle l'auditeur de son timbre voilé et abrupt sur A Forest Of Pronouns, sur lequel les repons et la rythmique dégagent d'inquiétants accents tribaux. Elle le calme en le berçant tendrement sur l'harmonieux Earthbound, un titre qui permet à Hammill de démontrer si cela était encore nécessaire toute la délicatesse d'écriture dont il est capable.
Autres hôtes remarquables de ce disque, le violon de Stuart Gordon et le saxophone de David Jackson qui, le temps de quelques mesures, s'entrecroisent, mais le plus souvent soliloquent, enrichissant de leurs tonalités étranges les compositions atypiques de Peter Hammill.
Car sur ce disque, même si les titres semblent formatés de manière assez "classiques", nous sommes loin des chansons pop/rock déversées par les stations FM. La musique de Peter Hammill nécessite une certaine abnégation, même pour quelqu'un qui la pratique depuis de longues années : elle ne se livre pas dès la première fois, mais s'apprivoise au fil d'écoutes successives, dévoilant à chaque nouveau passage un peu plus de ses mystères. Avec le temps, l'esprit s'habitue à ces harmonies et arrangements peu orthodoxes, qui finissent par devenir indispensables. Attention, drogue dure !