Atheist. Le nom seul est déjà mythique pour une certaine frange de métalleux, celle qui a grandi sur les ruines du thrash, à la fin d'une époque glorieuse (les années 80). A l'époque, la scène de Tampa est en pleine explosion, Morbid Angel ou encore Obituary font surgir des profondeurs de la Terre une musique extraordinairement noire. Quelques-uns de leurs camarades choisiront de métisser quelque peu ces assauts putrescents, en y ajoutant une grosse louche d'expérimentations techniques. C'est la naissance d'un genre, ou plutôt d'un sous-genre : le death technique. Et parmi les groupes qui s'engouffrent dans la brèche, Atheist. A l'époque, il se distingue par l'apport d'éléments jazz/fusion, voire de parties latines. Après seulement trois albums, dont deux resteront résolument cultes, le groupe se sépare... pour ne refaire surface que 17 ans (!) plus tard, avec ce Jupiter dopé aux stéroïdes.
Il est toujours ardu de réaliser un come-back convaincant, surtout après un laps de temps pareil. Les motivations artistiques peuvent légitimement être remises en question, l'appât du gain ayant travesti plus d'un groupe légendaire ; et l'évolution perpétuelle du monde de la musique fait que généralement, les inventeurs d'hier se retrouvent "Gros-Jean comme devant" lorsqu'ils sont confrontés à leur descendance. Qu'en est-il alors d'Atheist, qui avait si sauvagement imprimé sa marque dans les souvenirs d'une génération entière de headbangers ? Inutile de le cacher, la note étant explicite : le constat est mitigé.
Ravi au premier abord par d'intenses retrouvailles (le timbre incomparable de Kelly Shaefer, le jeu hallucinant de Steve Flynn), le fan voit rapidement son enthousiasme tempéré par une absence terrible : celle des éléments "progressifs" qui rendaient la musique d'Atheist si envoûtante. Les titres s'enchaînent à grand train, et hormis quelques rares saillies mélodiques (l'intro de "Live And Live Again" par exemple), c'est une avalanche de plans injouables qui engloutit l'auditeur. Timides s'abstenir, Jupiter est une véritable batterie anti-aérienne, un behemoth furieux qui dévaste tout sur son passage. Rythmiquement indéchiffrable, thématiquement abstrait, voici un disque de bonhomme, brutal et massif, pour ne pas dire franchement bourrin. Mais il manque systématiquement cette petite touche personnelle qui faisait toute l'identité du combo. Le temps de songer brièvement aux merveilles que recèlent Unquestionable Presence, et l'album est déjà fini. La demi-heure fut intense, mais l'arrière-goût qu'elle laisse est vaguement amer. Pourtant, quelques titres sortent du lot, à l'image du terrifiant "Fraudulent Cloth". Mais la technique, ça ne fait pas tout. L'absence d'un bassiste (Tony Choy ayant refusé de rejoindre ses compères) aura peut-être joué sur le côté rentre-dedans de Jupiter ; quoi qu'il en soit, le résultat peine à convaincre.
Retour en demi-teinte donc. Atheist paie clairement cette absence de 17 ans, alors que la scène technique ne les a pas attendu. Face aux monstres actuels du mathcore, du métal progressif et du brutal death technique, le groupe semble presque à la traîne, déroulant un death technique d'un niveau extrêmement élevé, mais qui n'a, en 2010, plus rien de novateur. Reste la performance instrumentale, hallucinante, et l'excellente prestation de Shaefer, dont la voix demeure singulière au sein du death metal. Un bilan bien maigre après une si longue attente. Une chose est sûre, on est loin de la grande époque, et en dépit de qualités certaines, les classiques du groupe ont encore de beaux jours devant eux.