Moins exposé que son ancien compagnon de route au sein d’Emperor, Ihsahn dont chaque effort est analysé, décortiqué jusqu’à l’indigestion, Samoth peut pourtant lui aussi être considéré comme une légende vivante de la scène extrême norvégienne. De Gorgoroth à Arcturus, de Burzum à Ildjarn, de Satyricon à Emperor donc, son tableau de chasse force le respect.
Contrairement à son frère d’arme, le guitariste est toujours resté fidèle à ses premières amours et à une musique foncièrement agressive, d’une brutalité épidermique. Les modelés symphoniques, les arabesques progressives ne l’intéressent pas. Ce qui ne signifie pas, bien au contraire, que ses projets personnels pâtissent d’un déficit technique. Zyklon a prouvé que ce n’est bien entendu pas le cas.
S’il revient avec The Wretched End, après le sabordage de ce dernier, officialisé il y a quelques mois mais en réalité effectif depuis 2007, à la formule du trio cher à Emperor, le Death/Thrash qu’il y développe s’inscrit bien dans la continuité de Desintegrate, testament discographique de Zyklon. A la barre de ce nouveau jouet, nous retrouvons Cosmo, musicien aux multiples compétences (bassiste, batteur, chanteur), connu pour son rôle au sein de Windir et qui gravite dans l’entourage de Samoth depuis très longtemps puisqu’ils ont déjà travaillé ensemble notamment pour Scum, éphémère groupe avec Casey Chaos (Amen). N’oublions pas non plus l’ancien Dark Funeral Nils Fjellström, enrôlé pour marteler les fûts. Voilà pour la présentation.
Sinon, inutile de tourner autour du charnier plus longtemps : Ominous est une pure tuerie et une des plus grosses claques de cette année 2010 ! Ni plus ni moins. Si certaines influences Black Métal affleurent par moment à la surface (certains riffs, comme celui monstrueux de "The Armageddonist", évoquent le genre), The Wretched End érige surtout un monument d’une densité incroyable aux confins du Death Metal et d’un Thrash moderne, comme le souligne la voix énervée de Cosmo ("Residing In Limbo").
Samoth sait toujours conférer à son métal des lignes tranchantes comme une lame et le recouvrir d’une gangue de glace. Son empreinte est reconnaissable, aussi bien dans ses attaques que dans ce goût jamais démenti pour des compositions ramassées et tendues comme le foc d'un navire.
Entraîné par une rythmique mangeuse d’espace et par des guitares habitées ("Zoo Human Syndrome" par exemple), ce galop d’essai atteint le point G, empile les morceaux de bravoure. Comment résister à des cartouches d’une intensité cataclysmique de l’acabit de "With Ravenous Hunger" et son intro démentielle, ou de "Of Men And Wolves", lourd et emporté dans un tourbillon frissonnant ? C’est impossible. On finit sur les rotules l’écoute de ce Ominous qui fera date, car chaque titre est millimétré, pensé pour faire le plus de dégât dans le cerveau.
Il s'agit d'un très grand disque qui vient encore confirmer l'inspiration et le talent de ces musiciens que très peu de personnes prenaient au sérieux lorsque le Black Métal a proliféré en Scandinavie au début des années 90. Vingt ans après, la plupart d'entre eux sont pourtant encore là, toujours capables de fulgurances créatrices. Une leçon !