Water Pipe Cult: Le culte de la pipe à eau. Bien sûr, dis comme ça, le groupe ne paraît à priori pas très sérieux. A priori… Car en dépit de sa décontraction, sa musique ne plaisante pas vraiment. Ils pourraient être Américains ou bien Espagnols. En fait, ils sont Français, ce qui ne saute absolument pas aux oreilles à l’écoute de Ultra Muggin’ Sounds, leur première vraie carte de visite. Un bon point pour eux, donc.
Et ne serait-ce le chant féminin, celui de Caro, sur laquelle nous reviendrons (forcément), il pourrait presque s’agir d’un album des Queens Of The Stone Age si Josh Homme, autrefois petit génie, cessait de regarder dans le tiroir-caisse et de vouloir plaire aux bobos pour se concentrer sur son art. Cette référence fera très certainement plaisir à Water Pipe Cult dont l’album réveille chez l’auditeur le même genre de chaleur qu’à l’époque des premiers QOTSA, en même temps qu’elle les agacera car vouloir réduire le combo hexagonal à une simple copie, aussi réussie soit-elle, des Américains, n’est pas rendre tout à fait justice à un Rock plus intéressant que cela. Bien plus !
Cette valeur ajoutée démultipliée, le groupe la doit à plusieurs facteurs. On pense bien entendu à cette voix féminine acidulée ou plus déglinguée ("Hail To The Great Cobalt " aux influences heavy), mariage improbable sur le papier avec ce Stoner (étiquette pratique mais qui ne veut rien dire, on vous le concède) aux guitares épaisses et aux mélodies dont le combustible est à chercher du côté des années 70 mais qui une fois dans les cages à miel prend pourtant tout son sens.
Ensuite, épris de liberté, Water Pipe Cult ne se donne aucune limite ; il n’a que faire des règles du genre desquelles bien trop de collectifs arrimés à la même famille ne parviennent pas à s’affranchir. Plus que les trois premiers titres ("Ultra Muggin’ Song ", "Walking Back Home " et "Pink Elephant "), moins singuliers bien qu’excellents toutefois, c’est à partir du délirant "Stereo Lapdance " et plus encore de "Hatewheels " et son final rehaussé de cuivres que les Français prennent toute leur démesure. Toute leur folie également, succession de pépites à la fois lourdes, sexy ("My Sweet Heart "), voire carrément psyché (le grandiose "Coutning Tales Of A Junky " et le feutré "Sofa On The Moon " dont la seconde partie décolle très haut vers la stratosphère) reposant sur des paroles totalement barrées ou plus décalées ("Le blues de la chouette ").
Ultra Muggin’ Sounds, qu’anime une poignée de musiciens qui transpirent le feeling par toutes les notes, aussi inspirés que généreux et totalement décomplexés dans leur approche du genre, est une merveilleuse découverte venue d’ailleurs, espèce de croisement halluciné entre le rock seventies et des volutes progressives schizoïdes à la King Crimson. Une des plus belles surprises – car inattendue - de cette fin d’année !