Il est toujours étonnant de découvrir chez des groupes fraichement livrés sur Music Waves le passé parfois riche d'une formation dont presque personne ne soupçonne l'existence. Kingcrow est l'un de ces nombreux groupes-caméléons qui écument la scène underground depuis des années dans l'indifférence générale. Italiens d'origine, ils affichent tout de même six albums au compteur (sept avec celui-là, donc).
Le plus étonnant par rapport à cette confidentialité qui semble entourer le groupe, c'est que leur musique est parfaitement potable, intéressante, sympathique et tout ce que vous voulez. Des belles mélodies, notamment via des lead de guitares fluides, un chant correct (ce qui est, pour un groupe italien, une petite performance à part entière), du gros riff, et des soli tout à fait honnêtes sont au programme. Le tout est saupoudré d'arpèges et surtout de parties de claviers parfaitement dosées qui s'imbriquent bien dans le tout. Sans prendre véritablement de risque, le disque parvient tout de même à éviter la banalité (citons par exemple "Lullaby For An Innocent", avec son intro aux chœurs indéniablement transalpins).
Bien sûr tout n'est pas rose. Première particularité gênante, le disque prend parfois un peu trop son temps, avec des intro/outro pas forcément passionnantes qui s'étirent et certains plans répétés à outrance au dépend d'une certaine cohérence immédiate des chansons (on s'endort parfois, en fait). Si le chanteur s'en sort bien, les lignes de chants sont assez inégales, passant du très sympathique ("Evasion") au banal total. À noter également l'accent qui pourra choquer les puristes de la langue de Shakespeare.
Mais au-delà de ces énumérations de qualités et défauts, la transparence du groupe (et donc également de ce "Phlegethon", assez inoffensif finalement) vient peut-être du fait que la musique a - si vous nous passez l'expression - le cul entre les chaises rock et métal. En effet, dans l'approche soliste, dans certaines rythmiques, et dans le jeu de batterie, l'univers métal est clairement présent. Mais les guitares ne sont pas tranchantes, le chanteur trop gentil, les ballades trop nombreuses, et finalement aucune énergie ne se dégage vraiment de la manière de jouer du groupe (à part dans les soli, qui parviennent à demeurer assez cinglants). D'un autre coté les belles mélodies héritées d'une frange moderne du rock progressif sont parfois gâchées par ces tics typiquement métal.
À partir de là, dire que le groupe doit choisir une voie et s'y tenir semble logique. Pourtant, il n'est pas impossible que le groupe brille dans le mélange des genres et soit insipide dans un registre plus restreint. Nous nous en tiendrons donc à dire que ce disque n’est pas mal du tout, ce qui est déjà une bonne information.