Amateurs de Joe Satriani, Jeff Beck ou autre maestro des solis de six cordes multicolores, ouvrez vos oreilles ! Gravity est un projet qui le mérite amplement. Et pour cause, il s’agit d’une échappatoire en solo du guitariste de Mr. So & So, David Foster, adoptant ici le patronyme The Dave. Véritable homme-orchestre, ou presque, pour la circonstance : compositeur, interprète, producteur. Quand on sait que l’ami Dave officie également auprès de Steve Rothery (faut-il présenter le guitariste de Marillion ?) pour le compte du groupe The Wishing Tree, dans l’élan d’un 'même combat' instrumental de six cordes de haut vol, on soupçonne immédiatement le sérieux de la démarche.
Mais doit-on s’attendre à la découverte de tirades guitaristiques très exclusives ? Non, au contraire, habilement nuancées, elles sont tour à tour planantes, emphatiques, enjouées, solennelles, et toujours empreintes d’un enthousiasme lyrique en filigrane, sorte de marque de fabrique transversale à l’évocation émotionnelle du moment.
La virtuosité du toucher s’impose immédiatement, comme une évidence. Il suffit d’écouter les deux premières plages pour en être convaincu. Peu importe finalement les genres explorés, qu’il s’agisse du hard FM un peu métal de "Tesla" ou "Polarised", ou du rock atmosphérique luxueux de "Liberty Bridge", étincelant tel un hymne vibrant, ou encore de l’épico-mystérieux "Apollo 13", façon conquête de l’espace (plutôt qu’éloge aux mythes et légendes), la six cordes est sur tous les fronts, et fait chanter les notes de manière magistrale. L’émotion est là, palpable, au détour de chaque riff.
On est touché par la pureté et la précision des sons, avant même que les (très belles) mélodies qui s’en échappent ne viennent harmonieusement taquiner nos oreilles. L’homogénéité qualitative est sans faille, et la griffe artistique s’offre une liberté protéiforme. On retrouvera par exemple la même fraîcheur aérienne, sur le magnifique "Summer Sky", s’égrenant telle une invitation au voyage par l’entremise d’un mid-tempo en cavale (paradoxal, et inexplicable… mais c’est pourtant le sentiment que l’on en retire !), et sur la très poétique introduction de "The Bride", à la guitare teintée d'accents acoustiques ! "The Bride" qui d’ailleurs clôture la galette de fort belle manière.
Un album qui se conclut bien vite, tant il est vrai que l’on demanderait volontiers le rappel de cette musique, et qui laisse quelques questions en suspens sur l’opportunité d’y introduire des prestations chantées (dont celle de David), non qu’elles soient inintéressantes, loin de là. Le lead féminin (Dinet Poortman), notamment, témoigne d’une prestance remarquable, sur l’énergique "Paradox". Mais sans que cela nuise à son unité, Gravity n’avait (même) pas besoin de ces quelques pauses vocales pour permettre aux instrumentaux majoritaires de respirer : c’est un album qui coule de source et qui s’écoute en boucle, sans modération ! Paré pour l’expérience inédite d’un étonnant Gravity… en apesanteur ?