Ce troisième album de Midnight Oil, en fait un EP se contentant de 4 titres pour une durée globale ne dépassant pas le quart-d’heure, laisse à penser que le groupe est entré dans une phase musicale transitoire. On peut en effet s’orienter vers deux hypothèses, d’un côté la fin de l’inspiration purement "punk-rock", délivrant ici ses dernières salves, et de l’autre l’émergence d’une nouvelle vocation artistique plus moderniste, mais pas encore assez mature pour emplir totalement la scène d’une galette à durée "standard".
En fait, aucune des deux analyses n’est réellement avérée ni erronée. Quelles qu’en soient les raisons, Midnight Oil signe un opus se positionnant comme une charnière dans sa discographie; il préfigure l’imminence d’un virage stylistique, s’il était encore permis de douter des capacités inventives de nos Australiens - en considération du croisement des tendances dont le premier album éponyme faisait déjà preuve.
L’engagement combatif des "lyrics" est ici plus discret, même s’il reste axé (au moyen des deux premiers titres) sur la dénonciation du carcan "aliénatoire" imposé par les modèles sociaux d’aujourd’hui. No Time For Games, comme indiqué par son titre, déplore la brièveté programmée de l’enfance, et Knife’s Edge pointe du doigt les insidieuses orchestrations… de la raison d’Etat.
Musicalement, on retrouvera donc le vocal éminemment caractéristique de Peter Garrett, rampant et accusateur, les inlassables riffs de guitares punk-rock, portés par une rythmique soutenue, et aussi de nouvelles explorations sonores auxquelles l’instrumental Wedding Cake Island en particulier, ne manque pas de faire honneur. Un titre entièrement dénué de paroles, c’est déjà une première dans l’œuvre du groupe, et Midnight Oil n’inaugure pas la pratique à moitié, car il l’engage sur une voie inédite dans son registre personnel, voire inédite dans un sens musical beaucoup plus large. Wedding Cake Island est une ballade qui mêle savamment et harmonieusement une atmosphère imagée de "road movie" un peu insouciant (voire de "western spaghettis" ?), à des accents blues-rock américains, bercés d’une nostalgique verve typée "néo-country". Paradoxal, à la façon de ces multiples sonorités de cordes qui pourraient paraître antinomiques : acoustiques et électriques, pincées et caressées, aériennes et caverneuses, légères comme celles d’une harpe ou d’un banjo, ou ténébreuses à la manière de la guitare basse, mais cela fonctionne étonnamment bien !
I’m The Cure, de son côté, étale le savoir-faire du jeu des six cordes : la guitare s’empare avec brio de toutes les composantes du morceau, le chant, les ponctuations, les répliques, les habillages. Une multiplication de figures de style dont le groupe se plaira à faire montre par la suite de sa carrière, à moult reprises.
Pour aussi court qu’il soit, et sans être une pièce maîtresse du puzzle, Bird Noises participe à la compréhension des velléités artistiques de Midnight Oil.