De ses propres dires, Mariusz Duda a conçu dès le début son projet Lunatic Soul comme un diptyque. Deux albums, le noir et le blanc. Après la réussite du premier, on attendait beaucoup de son pendant à la pochette immaculée. Dire que le thème est sombre est un euphémisme puisque ce "Lunatic Soul II" continue de raconter les aventures d'un personnage dans l'Au-delà et dans les limbes entre ce monde et le nôtre. Tout un programme. Encore une fois, Duda joue une grande partie de l'instrumentation lui-même en plus des vocaux : basse bien sûr mais surtout guitares acoustiques, claviers, percussions diverses et programmations. Il est secondé par plusieurs invités dont Maciej Szelenbaum à la flûte et parfois aux claviers, avec qui il a d'ailleurs co-signé trois morceaux, et Wawrzyniec Dramowicz d'Indukti à la batterie et aux percussions.
Les compositions de ce "Lunatic Soul II" sont quelquefois plus longues que sur l'album précédent et les rythmes et mélodies répétitifs, hypnotiques y sont plus marqués encore. L'album démarre sur un long morceau instrumental à base de guitare acoustique et de piano, soutenu par une riche orchestration de synthés et des percussions, dont l'atmosphère orientalisante est envoûtante. C'est d'ailleurs l'un des moments les plus accessibles !
Malgré une couverture aussi blanche, l'ambiance est parfois plus sombre, voire oppressante par instant, avec une certaine violence qui ne se traduit pas forcément à travers des sonorités brutales et électriques mais parfois grâce à des sons acoustiques dissonants, des vocaux déphasés. Ainsi, la partie centrale de "Suspended In Whiteness" est alourdie par une basse ronflante et une batterie bien lourde qui contrastent avec les synthés cristallins et orchestraux plus la guitare acoustique. Les vocaux de Duda sont démultipliés et tissent des contrepoints sur une mélodie répétitive, obsédante. La voix est même parfois saturée comme sur "Asoulum" où on s'attend à une explosion qui ne vient jamais, laissant une inquiétante impression de violence latente. Le plus court "Limbo" flirte vaguement avec le jazz au piano et à la flûte, malgré un accompagnement étrange basé sur des percussions. Les percussions africaines sont d'ailleurs au premier plan sur "Escape From ParadIce" avec lequel ce dernier s'enchaîne. On pense encore une fois à un certain côté de Dead Can Dance, une influence tout à fait revendiquée par Mariusz Duda.
Le plat de résistance est le long "Transition", dont la première partie est intimiste, superbe de retenue, avec des nappes de claviers et juste une pulsation sourde dans le lointain. Le morceau évolue avec l'apparition de la basse et de la batterie (jouée ici par Duda lui-même !), de divers bruitages, créant une atmosphère de transe et ce n'est que vers la fin qu'un calme relatif revient peu à peu. A côté, l'acoustique "Gravestone Hill" apparaît comme une respiration bienvenue, à l'ambiance toujours sombre mais plus feutrée, méditative. Et enfin, "Wanderings" voit l'apparition de boucles rythmiques simples et répétitives, avec un piano électrique aux notes liquides réverbérées, sur lequel se greffe enfin une véritable batterie et d'autres synthés. Toujours cette ambiance hypnotique, mais cette fois la mélodie est plus accessible et presque légère ; on arrive à un dénouement plus heureux, un final qui laisse transparaître un rayon de lumière après toute cette noirceur inquiétante. Dommage par contre de terminer le morceau – et donc l'album – par une baisse progressive du volume au lieu d'avoir construit une véritable fin.
"Lunatic Soul II" est donc au final un album particulièrement sombre, dont l'instrumentation plus légère que dans Riverside ne doit pas tromper l'auditeur : Mariusz Duda a une fois de plus composé une œuvre âpre, souvent empreinte d'une certaine violence rentrée, presque dérangeante. Mélodiquement, le premier opus était plus accessible et plus inspiré. Ici, la batterie assez lourde de Wawrzyniec avec les vocaux et la basse parfois bien distordus sur plusieurs morceaux, sont un peu trop présentes. On aurait aimé des orchestrations de synthés plus conséquentes pour donner davantage d'ampleur aux arrangements et accentuer l'aspect mélodique. Néanmoins, l'album vaut le détour et mérite sans nul doute plusieurs écoutes attentives.