1978 à 1981 : en 4 ans, 4 albums (ou plutôt 3, et un EP), et le rythme que s’impose Midnight Oil, comme le façonnage d’un fer que l’on battrait pendant qu’il est chaud, va bientôt déboucher sur une première révélation, avec 10,9,8,7,6,5,4,3,2,1, l’album du "décompte" ayant propulsé les Australiens, et qui interviendra encore un an plus tard. Pour l’heure, Place Without A Postcard poursuit la (lente) genèse de l’éclectisme musical de ce groupe, et se positionnera en quelque sorte comme le baroud d’honneur du socle "punk-rock" des origines.
En fait, sur ce terrain, on ne trouve rien vraiment qui n’ait déjà été dit dans les albums précédents. Andrew James, l’un des fondateurs de la première heure, a laissé sa place (à la basse) à Peter Gifford, mais sans conséquence auditive vraiment notable. Les guitares affichent toujours le même mordant en s’inscrivant dans la logique d’une certaine exubérance, sans empêcher toutefois la basse de conserver une place des plus privilégiées. Les rythmiques, dans l’ensemble, affectionnent tout particulièrement les francs galops, et le vocal de Peter Garrett se plaît invariablement à asseoir sa texture d’orateur souverain sur tout ce petit monde instrumental. La construction mélodique demeure, pour sa part, très discrète ; pourtant elle s’apprête à exploser sous peu, comme en témoignera la suite… Mais jusque-là, les essais les plus probants en la matière se seront finalement cantonnés à prendre place sur le premier album éponyme.
Pour autant, la bouillante expressivité stylistique de nos Australiens, "couvant" sous la ligne de flottaison, maintient le cap d’une musique rock désireuse de s’élancer au-delà de ce qu’on attendrait d’elle, à priori. Don’t Wanna Be The One réaffirme la tendance de Midnight Oil à l’usage des "vieux" claviers prog’, en guise de contrepoint sonore à l’austérité des six cordes aux couleurs punk (incursions employées ici à la manière de petits coups de pinceaux); Armistice Day avoue déjà le penchant d’un vocal narratif à l’argumentaire "directement persuasif", façon Read About It sur l’album du "décompte" (ici sur un tempo plus lent). Basement Flat, pour sa part, embarque les prémices d’une méthode vocale consistant à prolonger les harmoniques du lead par l’impression auditive de l’émergence d’un chœur complet, et dévoile dans la foulée le goût des Australiens pour une certaine forme de lyrisme incantatoire.
Et pour rester sur l’évocation des figures de styles chantées, Burnie est un bel exemple de mise en scène du savant jeu vocal de Peter, embarquant sa prestation dans une circonvolution qui embrasse toutes les tonalités, de la plus grave à la plus aiguë, saupoudrées d’étincelles "gothiques", dans la bonne mesure.
Place Without A Postcard prolonge quelque peu la mise en place du tremplin musical élaboré par Midnight Oil, album après album, mais sans en accentuer la courbe finale ; le décollage de l’opus suivant, qui méritera réellement son succès, n’en conservera que mieux son effet de surprise.