Ce sixième album d’Anvil nous arrive une nouvelle fois après un très long délai d’attente. Il sort en effet près de quatre ans après un "Pound For Pound" d’honnête facture qui laissait penser que le groupe canadien allait enfin se relancer. Il n’en fut rien malheureusement, le live "Past And Present" clôture le contrat avec Metal Blade et Anvil va mettre un temps énorme à retrouver un label en ce début des années 90 qui ne sont guère propices au heavy-mélodique classique. On ne retrouve le groupe que début 1992, signé sur un obscur label indépendant canadien, Mausoleum Records, fondé par le manager d’Helix. De plus, outre ce changement, le groupe a perdu son fidèle guitariste Dave Allison, lassé sans doute d’une longue attente pour très peu de fruits finalement récoltés. Il est remplacé par un inconnu, Sebastian Marino, originaire de New York.
Malgré les épreuves, «"Worth The Weight" reste dans la droite lignée musicale du groupe. Loin de se laisser décourager et dans une époque musicale qui lui est bien défavorable, Anvil nous balance un heavy-métal encore plus puissant et sombre. On retrouve ainsi des titres plus agressifs, à l’image des paroles et des thèmes abordés, avec de longs passages instrumentaux où les guitares sont largement à l’honneur. A la guitare, Marino apporte un peu de sang neuf et un plus réel au groupe. Revitalisé de fort belle manière, il nous balance le disque le plus brutal depuis son début de carrière. Ainsi, l’ensemble est de qualité et parfaitement produit, le son reflétant bien la puissance des titres, notamment celle des guitares, plus techniques qu’à l’habitude.
Certes il n’y a guère de tubes à l’horizon ni de réelle révolution mais le tout est très homogène et sans moments faibles. Des titres comme "Infanticide", "Bushpig", "Embalmer", ainsi que "Sins Of The Flesh" sont d’excellentes factures, bien heavy, Lips se montrant très agressif au chant. De plus, les duels de guitares sont jouissifs et on sent une réelle alchimie entre Lips et Marino, avec des passages quasiment thrash. Le tout permet aussi d’apprécier la frappe de Reiner qui prouve qu’il est bien un des meilleurs batteurs du circuit. Enfin on gardera le très long "Sadness/Love Me When I’m Dead" avec sa belle introduction acoustique, doucement chantée et sa montée en puissance épique qui n’est pas sans rappeler le Metallica des années 80.
"Worth The Weight" est donc un très bon album de heavy-métal à la fois classique et moderne par sa puissance. Il risque peut être de rebuter un peu certains fans de par son côté très heavy, mais il mérite l’écoute et prouve qu’Anvil est loin d’être ringard. Par contre, il reste injustement méconnu du fait d’une petite distribution, son label n’ayant guère les moyens d’une promotion digne de ce nom. Et de fait, il ne pourra empêcher le groupe de continuer sa longue descente commerciale, Anvil devenant dès lors un groupe juste connu de ses vrais fans, loin bien loin des modes et des médias.