La carrière d’Anvil s’apparente depuis le début à une véritable course à handicap avec changements de maisons de disques, passant chaque fois à un label plus petit, une perte de public inexorable et qui plus est changements de musiciens. Le très bon guitariste Sebastian Marino est déjà parti et le fidèle bassiste Ian Dickson est à son tour parti ne laissant que le duo Lips, Reiner aux commandes. De plus, le groupe va mettre du temps pour trouver un label. Il trouve ainsi refuge chez Massacre, label indépendant allemand, aux moyens très limités.
Ce 7ème album, "Plugged In Permanent" ne voit le jour qu’en 1996, soit encore quatre longues années après un "Worth The Weight" de très bonne qualité. Tout ceci fait qu’Anvil vit désormais dans l'anonymat le plus complet ne peut compter que sur des fans fidèles. Malgré tout, le groupe ne se décourage pas, continue sa route et nous propose un album au nom et à la pochette se moquant de l’émission MTV Unplugged, et qui suit la ligne musicale plus heavy entrevue sur "Worth The Weight". L’album arrive même à surpasser ce dernier pour le côté heavy grâce à un son énorme et des rythmes dignes du thrash et du speed métal.
Le résultat est une fois de plus très convaincant et surprenant pour un groupe que l’on ne pensait pas pouvoir être si brutal et violent - Megadeth ou Slayer ne sont si loin sur certains passages. Ce regain de puissance se fait un peu au détriment des mélodies mais on sent qu’Anvil avait besoin de se déchaîner et d’envoyer la sauce pour se défouler. Dans cet ensemble carré, homogène, et sans concessions, se dégagent plusieurs titres. Il y a d’abord le trio d’entrée qui fait office d’uppercut. "Racial Hostility", "Docteur Kevorkian", et "Smoking Green" sont d’excellents titres de heavy-thrash incisifs et mordants, avec une batterie très en avant et un chant guttural aux frontières du thrash, dans un style que n’aurait pas renié Annihilator. Après ce début intense, "Destined For Doom", plus lourd comme son titre le laissait deviner, ralentit le rythme avec son riff pachydermique, des soli courts mais mélodiques et un chant grave et appuyé.
Ensuite, les titres courts s’enchaînent sans trop laisser le temps de souffler et, malgré une certaine qualité, c’est un peu le trop plein qui l’emporte tant les rythmes sont éprouvants. Il faut en fait un peu de temps et des écoutes pour se faire à l’ensemble. Et c’est "Five Knuckle Schuffle" qui s’en tire le mieux, présentant un mixe intéressant entre Motörhead pour le chant et le thrash pour la partie musicale. En fin d’album, 'Guilty" qui permet de souffler en retrouvant un son plus heavy classique et épique avec un air général sombre et vicieux qui prennent parfaitement.
Avec "Plugged In Permanent", Anvil a donc repoussé ses limites en proposant son disque le plus brutal. Le tout s’apprécie grandement, même si on ne le conseillera pas à un novice du quatuor canadien. Si la rage du groupe est compréhensible, le tout manque un peu de mélodies. Un mix des deux facettes serait appréciable pour convaincre encore plus.