A l'instar du Black-Métal avec ses éternelles forêts et ses faces de gargouilles prenant la pose en tirant la gueule, le Stoner possède une charte graphique qui lui est propre, à base de routes désertiques sillonnant les Etats-Unis, de référence à la contre-culture (Kerouac, Burroughs...) et au mythe hippie avec toujours en filigrane une idée de liberté.
Bien qu'il soit né en Allemagne, Hoek a décidé d'apporter lui aussi sa pierre à cet édifice typiquement américain, autant musical que culturel, à l'imaginaire très fort. Ce power-trio (guitare/basse/batterie) n'invente rien mais ça n'a aucune espèce d'importance car le Stoner ne répond pas exactement aux mêmes critères que ceux régissant les autres styles musicaux. Davantage que l'innovation ou l'originalité à tout prix, c'est dans la capacité à exsuder un feeling graisseux, à percer dans la terre chauffée par le soleil de vastes paysages infinis, que se jugent la valeur de ces conducteurs de camping-cars Westphalia.
Après un sympathique split avec Bijola, Hoek grave en 2002 cette rondelle méconnue du grand public mais certainement vénérée comme il se doit par les amateurs du genre. Car Alt 157 possède une qualité essentielle : on s'y sent très vite à l'aise, comme au fond d'une bonne vieille paire de santiags fatiguées mais à l'intérieure de laquelle notre odeur est incrustée. Des brûlots tels que "Don't Push" ou "My Way" laissent d'entrée de jeu de profonds résidus dans la mémoire, comme si vous les aviez déjà maintes fois entendus sans pour autant avoir l'impression d'avoir à faire à un ragout réchauffé.
Une fois passée sa longue introduction, "Your Ocean" pose le décor. Ce sera le règne de la Wah-Wah, des voix avalées par un filtre, c'est un monde nappé d'effluves psyché ("The Way To Tim Buktu"). Les mecs ont dû fumer la moquette mais pas suffisamment pour bander avec mollesse. De fait, ces morceaux ne se prennent jamais les pieds dans le tuyau de la pipe à eau et demeurent toujours pêchus, envoyant la sauce au goût de rock en fusion. Lourd et dynamique, Alt 157 donne envie de taper du pied et d'écluser des bières dans un rade enfumé.
Ces titres, tous plus orgasmiques les uns que les autres (mention spéciale pour "Changes", qui débute comme une espèce de ballade seventies avant de mettre en route le moteur et de dérouler une ligne hypnotique séduisante, et à "Martyr", bien heavy), évoquent quelques coins paumés de l'Amérique profonde. La guitare de Robin Christopher, nourrie au Jack Daniels, semble gratter à la porte d'une de ces stations services isolées au milieu de nulle part.
Quel dommage que le groupe ait depuis déserté les écrans radars ! Espérons que cet album ne reste plus orphelin trop longtemps. Il reste dans tous les cas un très bon morceau de Stoner-Rock musclé recouvert d'une fine couche de sédiments pysché, mais pas trop.