L’un des grands plaisirs du chroniqueur est d’avoir la facilité et l’opportunité de découvrir, hors du courant majeur généré par les maîtres du genre et où la pêche est plus facile (les eaux anglaises et américaines en majorité), des groupes nouveaux, encore peu connus mais diablement efficaces et méritants. Ce genre de formation qu’on rêverait de voir en tête de liste dans quelques années. Grumpf Quartet, groupe au nom délicieux (de par l’onomatopée et la présence de trois musiciens seulement), est de ceux là.
Distillant depuis 2006 un Jazz Rock à l’esprit Hardcore/Noise, Grumpf allie la puissance du Rock à la finesse du Jazz. Inspiré autant par des groupes comme Meshuggah ou Dillinger Escape Plan que par des combos de Mathrock ou des compositeurs de musique savante tels que Stravinsky et Prokofiev (pour les structures et la dynamique), ce jeune groupe 100% français sort son premier album éponyme, après un premier EP, trois années de compositions et moult concerts.
Et quand le groupe affirme vouloir proposer une musique 'touchante et bougeante, la plus originale possible', accordons leur cette réussite ! Et avec mention s’il vous plait. D’un "Shaka" au riff principal ledzepellinesque bondissant entre deux jolies mélodies de guitare légère, à "Gopvenoob", un titre très Jazzy (à la signature musicale très compliquée et groovant sur la fin avec force et pêche au rythme d’une basse hypnotique), Grumpf Quartet nous en met plein la figure avec un bel aplomb. Plus encore, ses quelques sonorités Prog’ et sa construction rythmique originale (un batteur pas manchot au jeu de cymbale précis et un basse lourde en guise de colonne vertébrale) contribuent à la genèse d’une musique enivrante et terriblement accrocheuse, à l’instar d’un "Ougah", sorte de carte de visite très solide au riff Metal costaud.
L’opener "Stravinsky On Da Rocks" lance la machine avec virtuosité. Sa structure déconcertante et sa guitare incisive éclate au visage. Ce Jazz-Fusion teinté de signatures classiques (passages éclatants, envolées de notes et apaisements salvateurs) porte très bien son nom : c’est jouissif ! Chacun des sept titres vaut son pesant de cacahouètes (merci de ne pas avoir joué la carte du gavage stérile). L’hypnotique "Racine de Deux" (succession de notes qui se répètent à l’infini, phrases rythmiques redondantes, mais une fois de plus addictif grâce au toucher de Laurent et aux modulations de la rythmique), la véloce "La triste Fin d’Horace", évoquant un Planet X des plus agité, mais sauvant l’auditeur de l’overdose par de judicieuses haltes dans l’œil du cyclone, tout y est savamment équilibré et dégage une impression globale de grande cohésion et de complicité. La musique de Grumpf Quartet coule, se répand et vous entraîne, gage de qualité dans un genre généralement clinique et difficile d’accès.
Album aux propos très varié et tenant l’auditeur captivé malgré l’absence de chant, Grumpf Quartet est convainquant sur toute la ligne. Enthousiasmant même ! Vous savez ce qu’il vous reste à faire.