Nous nous étions trompés. Ce n'est pas en Suède que se trouve(ait) le fils spirituel de Richie Blackmore comme on le croyait depuis 1984, mais en Allemagne et son nom est Alex Beyrodt et non pas Yngwie Malmsteen. Au départ, on ne s'était pas vraiment rendus compte de cette filiation. Sinner où il se contentait de besogner dans l'ombre de son leader, ne s'y prêtait pas, il est vrai. Profitant d'une pause (prolongée apparemment) de Silent Force, son véritable port d'attache, le guitariste a surpris tout le monde avec son projet solo, Voodoo Circle dont le premier album éponyme s'est imposé en 2008 comme un des plus beaux joyaux d'un Hard-Rock mâtiné de Heavy et pétri de précieuses influences Purple/Rainbow.
Deux ans plus tard, alors que nous étions nombreux à craindre que cet opus demeure un enfant unique, Beyrodt enfonce le clou et va peut-être même encore plus loin dans la révérence à l'Homme en noir, et ce faisant, il réussit ce que Malmsteen n'a jamais réellement fait : être un virtuose de la six cordes et se couler dans une dynamique de groupe.
Par rapport à Voodoo Circle, l'équipe autour de l'Allemand reste (presque) inchangée et seul le batteur Mel Gaynor (Simple Minds), dont on se demandait d'ailleurs ce qu'il venait faire là, a cédé la place à un nouveau cogneur. C'est donc avec plaisir que l'on retrouve également le chanteur David Readman qui, encore une fois, nous surprend. Peu enthousiasmant chez Pink Cream 69 ou Adagio, il démontre tout du long un talent qui semble avoir besoin d'un musicien tel que Alex Beyrodt pour se dépasser. Osons le dire, lorsqu'il se glisse dans la couche du grand David Coverdale, comme il le fait sur "King Of Your Dreams" "Don't Take My Heart"ou "When Destiny Calls, le gaillard n'est pas loin de vous filer des frissons comme seul celui au serpent blanc entre les jambes sait le faire !
Avec intelligence, à l'image de son mentor, le guitariste n'étouffe ni ses musiciens qui ont ainsi tout le loisir de s'exprimer, ni des compositions, qui certes sont le théâtre de lignes de grattes ébouriffantes, mais se révèlent avant toute chose des tubes en puissance. Broken Heart Syndrome a quelque chose d'un alliage magique entre la puissance du heavy teuton et le feeling, bluesy parfois ("Heal My Pain"), de Rainbow et du Deep Purple Mark III et IV.
Ainsi, le magnifique "Devil's Daughter", assurément le point G de cet album, fait plus que ressembler au "Keep On Movin' " du Pourpre Profond (sur le trop méconnu Come Taste The Band), tout comme ses descentes de manche, on dirait que ses attaques ont été composées par Blackmore quand il faisait encore du Hard-Rock ("The Heavens Are Burning", "Wings Of Fury"), et c'est également le cas pour cette façon de construire les morceaux. Cela pourrait être gênant. Ce n'est pourtant pas le cas car Voodoo Circle sait digérer ses incontestables influences pour donner naissance à une musique qui procure tout simplement un plaisir fou à celui qui l'écoute. Et c'est bien là le principal.
Moins 'Malmsteenien' et rock FM que son prédécesseur, Broken Heart Syndrome puise directement à la source même de toute celle école mélodique. C'est à nouveau une belle réussite de la part d'un groupe, et à fortiori d'un musicien, dont on aimerait qu'ils soient davantage reconnus à leur juste valeur.