Plus les années passent et plus Dimmu Borgir, figure tutélaire avec Cradle Of Filth du Metal noir et symphonique grand public, tend à privilégier le second qualificatif au détriment du premier. Trois ans après le déjà contesté In Sorte Diaboli, Abrahadabra ne risque pas d’infirmer cette impression. Le recentrage du groupe autour du trio Shagrath (chant) / Silenoz (guitare) / Galder (guitare), tout comme la présence au menu d’un titre baptisé « Dimmu Borgir », manière pour lui de signifier une soi-disant renaissance ou d’un « Renewal » assez brutal, ne doivent pas abuser le fan de la première heure lassé de voir son poulain confondre Emperor et Therion.
Non, loin de faire marche arrière ou du moins de changer de direction, ce huitième album ne fait que confirmer l’évolution entamée depuis Puritanical Misanthropic Euphoria il y a bientôt dix ans. Mieux, il l’accentue encore davantage reléguant au rang de faire valoir des attributs extrêmes qui tiennent désormais plus de vagues oripeaux du passé que d’arc-boutants sur lesquels reposerait l’édifice norvégien.
Pour autant, Dimmu Borgir ne sombre pas (encore) dans le piège du ridicule, du pompier en toc à la Bal Sagoth (nous lui saurons gré au moins de cela), il conserve une froideur tranchante qui lui permet encore de faire illusion le temps de quelques titres (les premières mesures de "Born Treacherous", bon morceau au demeurant qui, positionné en ouverture, laissait augurer de bonnes choses pour la suite, "Gateways" ou "Ritualist" sont ainsi plutôt bien fichus). De même, à sa décharge, reconnaissons-lui une maîtrise certaine de l’outil symphonique de plus en plus impressionnante et cela reste de toute façon toujours largement supérieur à ce que peut commettre actuellement son éternel rival britannique, Cradle Of Filth. On mesure les progrès parcourus dans ce domaine en l’espace de quelques années.
Mais néanmoins, rien n’y fait et pas même l'intervention de Andy Sneap (sur "Renewal") ou celle, plus précieuse encore, de Garm (Ulver) sur "Endings And Continuations". Abrahadabra n’est pas un mauvais disque mais il se trompe de chemin. Est-ce la présence, à la basse et au chant sur deux titres, du remplacant de Vortex, Snowy Show (Therion encore une fois et qui semble déjà ne plus faire partie de l'aventure), qui l’explique mais nous sommes donc ici plus proche du groupe de Christofer Johnsson que d’une horde qui prétend jouer du Black Metal.
Mais Dimmu Borgir n’en a-t-il jamais pratiqué ? Les avis sont partagés. Tout comme ceux concernant ce dernier album qui logiquement devrait séduire les admirateurs du dernier rang mais beaucoup moins en revanche les vrais fidèles de la chapelle noire. Toutefois, il faut admettre que dans le genre symphonique, le désormais trio conserve une confortable avance sur ses nombreux concurrents. Davantage que le retour aux sources annoncé par ses auteurs, Abrahadabra est la confirmation que les Norvégiens ont définitivement trouvé leur voie dans l'emphase grandiloquente et épique. Mais ça, on le savait déjà...