Le trio norvégien entend-il s’arrêter en si bon chemin ? Certainement pas. Un an après le fantastique "Hunting High And Low", ayant propulsé d’un seul coup les trois comparses au sommet de la gloire, voilà que tombe la claque magistrale de "Scoundrel Days", celle que personne ne pouvait prévoir, et qui permet à la musique du groupe de prendre indubitablement racine au Panthéon de la musique synthpop.
Excepté "Cry Wolf", à l’habillage festif agréable, mais véhiculant un feeling un brin superficiel en comparaison à l’ensemble, tous les titres réunis ici s’insinuent au plus profond des cordes sensitives de l’auditeur, comme un fluide aux pouvoirs insondables qui aurait trouvé un chemin naturel, à la manière d’une source de montagne s’écoulant avec évidence le long d’une descente de galets rocailleux.
Avec "Scoundrel Days", l’oreille n’est que le vecteur immédiat de la musique, dont la substance est aussitôt renvoyée vers le cœur. Du titre éponyme ouvrant la galette, jusqu’au merveilleux "Soft Rains Of April", hypnotique à souhait, les émotions n’ont de cesse d’assaillir l’auditeur, transformant la simple séance musicale en un voyage inoubliable.
"Scoundrel Days", "I’ve Been Losing You" ou encore "Manhattan Skyline" résonnent comme des hurlements d’espoir et de détresse mélangés, pendant que sur une voie similaire, mais hautement onirique, "The Swing Of Things", "The Weight Of The Wind" ou l’indomptable "Soft Rains Of April" déploient tout un arsenal de jeux d’ombres et de lumières spirituelles, proprement saisissants. Au détour de chacune des avancées narratives, le frisson est présent, prégnant, et admirablement servi par les talents littéraires de Mags et Pal Waaktaar.
Paroles et Musique s’entremêlent en une symbiose des plus rares, conférant à l’album, s’il est possible d’évoquer l’existence d’un tel genre, un caractère pop-progressif. Il suffit de se laisser aller, par exemple, aux élans épiques et atmosphériques de "Soft Rains Of April", ou encore aux bercements nostalgiques de "Manhattan Skyline", eux-mêmes interrompus par l’assaut brutal des guitares, vocalises et autre jeu de batterie en furie.
Le projet n’en oublie pas moins une certaine place pour les créations sensiblement plus enjouées, et nous retiendrons les très belles prestations de "We’re Looking For The Whales" et de "Maybe, Maybe". L’intégration de ces parenthèses festives est parfaite, et n’altère nullement la couleur sonore de "Scoundrel Days".
Pour preuve ? Reportez-vous donc à la transition de "Maybe, Maybe" avec le titre final… Simplissime, et détonante.
Le vocal de Morten Harket, quant à lui, ne fera pas mentir l’excellence de la prestation offerte à l’occasion du premier opus, Waaktaar s’octroie définitivement les galons de mélodiste hors classe, et la production générale reste égale à elle-même : quasiment irréprochable.
Lyrique et ombrageux, convivial et brutal, rêveur et insoumis, "Scoundrel Days" embarque tout ce que la musique pop a pu compter de meilleur, en l’espace de 10 petits morceaux. Et pour la consécration de sa carrière, en guise de baroud d’honneur, A-Ha proposera une édition Deluxe en 2010 (versions démo, live, étendues…), réunissant 2 disques, pour un total de 31 plages ! "How can we sleep with this voice in our head ?"