Après le diptyque consacré à leur fantasme cosmique ("Planets" et "Time to Turn"), le constat, bien qu'amer, s'impose à nos Allemands et surtout à leurs producteurs : l'ère du rock progressif, de ses ambiances planantes, de ses concepts délirants et des titres à rallonge est terminée. Et à moins de vouloir s'enfoncer dans ce qui relève désormais du suicide commercial, le groupe semble devoir s'orienter vers une musique plus directe, chose finalement admise à contre-coeur par Frank Bornemann alors en opposition complète avec les autres membres du groupe sur le sujet.
"Performance" est ainsi le fruit de cette dichotomie au sein du groupe et se trouve du coup tiraillé entre les deux tendances : si l'habituelle dynamique à tendance hard se retrouve présente sur la majorité des titres, les ambiances planantes qui prenaient le temps de développer leurs thèmes ont ici quasiment disparu. Seul "Mirador" tente de conserver ce lien avec le passé, mais cet instrumental lancinant est complètement raté, et s'oublie très rapidement.
Les autres plages se présentent donc comme une collection de chansons plutôt courtes, en-dehors de "A Broken Frame" qui vient étirer son refrain durant de longues minutes. Et même si les styles ne sont guère comparables, leur construction rappelle quelque part Saga avec des mélodies dynamiques facilement mémorisables et des ponts instrumentaux apportant une légère coloration progressive ; pas si mal fait mais bien loin des ambitions progressives conceptuelles précédemment développées ! Les musiciens sont bien entendu « au niveau » de cette nouvelle déclinaison : les parties jouissives de basse le sont un peu moins, il manque aux claviers bien dans l'air du temps quelques sonorités oldies, le jeu de batterie est un peu plus linéaire que précédemment etc etc …
Finalement, que reprocher à cet album ? Sa courte durée ? L'adaptation d'un groupe issu de l'âge d'or des 70's à une décennie faisant la part (trop) belle aux sonorités électroniques ? Son évolution collant plus ou moins à la mise en route d'une société du zapping lui faisant réaliser des titres plus courts, moins fouillés, plus faciles d'accès ? Le désir de continuer à vivre de son art au sein d'une époque en train de prendre virages sur virages ? Un peu tout cela à la fois. Et pourtant, avec le recul, c'est toujours avec un réel plaisir que je retrouve l'album qui m'a fait entrer dans le monde magique d'"Eloy" : et si vous lui donniez également sa chance ?