Après le départ de Joey Belladonna en 1992, c’est au tour de Dan Spitz de quitter le navire Anthrax avant l’enregistrement de "Stomp 442". Bien que non crédité en tant que membre du groupe, c’est Paul Crook, jusqu’alors Technicien guitare de Spitz, qui seconde Scott Ian aux guitares et qui assure la majorité des parties "lead". Il est aidé par Mike Tempesta, Dimebag Darrell (sur "King Size" et "Riding Shotgun") et surtout Charlie Benante (pourtant batteur de son état), qui assurent également bon nombre de soli.
Cette nouvelle mouture a pour lourde tâche de donner un successeur à l’excellent "Sound Of A White Noise", qui avait positionné le groupe sur un son bien plus moderne et agressif que celui qui l’avait fait connaitre. De fait, avec ce "Stomp 442", qui fait référence à un modèle d’Oldsmobile au moteur particulièrement puissant et qui avait la particularité d’avoir un carburateur 4 corps, 4 vitesses au plancher et 2 sorties d’échappement, Anthrax enfonce le clou et pousse encore plus loin sa logique de modernisation et de radicalisation de sa musique.
Ainsi, l’entame du disque "Randoms Act Of Senseless Violence", suivi de "Fueled" nous renvoie-t-elle au meilleur de "Sound Of A White Noise", à savoir des riffs surpuissants, un son colossal et une voix très belliqueuse. Le tout avec un sens de la composition qui rend ces titres immédiatement mémorisables.
Une sensibilité plus Hardcore / Punk que par le passé nous amène à penser que le groupe cherche délibérément à moderniser son identité musicale et à se démarquer d’un style Thrash qui n’était alors plus en odeur de sainteté. La voix de John Bush, faite d’agressivité et de puissance, s’inscrit parfaitement dans cette tendance et contribue grandement à accompagner ce changement de cap.
Pourtant le reste de l’album est plus inégal. Si la recette qui fait fureur sur les 2 premiers morceaux est toujours utilisée, le talent de composition est un peu moins présent et bon nombre de titres ne sont que corrects. En effet, à l’exception notable de "In A Zone" et d"American Pompeï" qui comprennent des parties aussi originales que rafraichissantes, les autres titres semblent tourner mécaniquement, sans grande passion.
Le bilan est donc très mitigé. Si la tendance est louable, la manière laisse encore à désirer. Si Charlie Benante et John Bush semblent plus que concernés et se démènent comme de beaux diables, le reste du groupe donne le sentiment de se contenter d’assurer convenablement ses parties, sans prendre de risque. Le résultat a beau être massif et homogène, malgré une excellente Production, il manque cruellement de variété et de fantaisie (à l’exception de la simili ballade "Bare" qui s’apparente beaucoup à un Bonus).
Comme dépourvu de "vision" le groupe semble tâtonner. Parfois avec bonheur, du fait de la qualité de ses membres. Parfois maladroitement, lorsqu’il force son talent et qu’il s’engage sur des chemins artistiques qui ne lui semblent pas naturels. Avec 15 ans de recul, et au regard des errements artistiques (commerciaux ?) ultérieurs du groupe on en vient à se demander si Anthrax n’entrait pas là dans une période de turbulence durant laquelle il cherchait désespéramment à suivre les modes et les attentes du public. Un résultat qui nous laisse avec un fort sentiment d’amertume, tant nous sommes ici à la fois proche de l’excellence tout en frôlant le banal.