"Wild Frontier" est certainement l’album dans lequel le chanteur / Guitariste irlandais fait le plus parler ses racines celtiques. Aboutissement de la première partie de sa carrière solo, ce disque clôture sa période « Hard Rock » en annonçant déjà des velléités d’émancipation et de changement qui le conduiront vers les rivages du Blues.
Ce court album (7 chansons + une reprise) a en effet déjà un pied en dehors du hard Rock traditionnel que Gary Moore affectionnait jusqu’alors. La puissance dont il était coutumier laisse ici la part belle aux émotions et aux ambiances plus folkloriques. Le bougre nous emmène au cœur d’un hard FM musclé, mâtiné parfois de climats celtiques.
Ainsi, si le très bon "Thunder Rising" incorpore quelques phrases musicales typiquement irlandaises, avec l’émouvant "Johnny Boy" nous plongeons totalement dans la verte Erin. Pour le reste nous avons droit à un Hard Rock très mélodique, soutenu par des guitares omniprésentes qui donnent volontier dans le grandiloquent, et des claviers qui bien que majoritairement excellents, ne sont pas toujours du meilleur goût. Ou pour être plus précis, des claviers qui pâtissent parfois d'un son très ancré dans les années 80 ayant donc assez mal vieillis.
Les deux instruments se marient à merveille pour générer un son puissant et très dynamique. Les riffs de "Over The Hill And Far Away" sont ainsi renforcés de belle manière par la présence aux claviers de Neil Carter, ce dernier reproduisant avec bonheur de très belles parties de violon celtisant. Le son de batterie est quand à lui assez surprenant, très puissant et mécanique, au point que l’on en vient à se demander s’il ne s’agit pas de parties enregistrées à l’aide d’une boîte à rythme de type "Drumulator". Sentiment renforcé par le fait qu’aucun batteur ne soit mentionné sur le disque. Pour autant ce choix, s’il peut générer un rejet chez certains, se révèle assez heureux et apporte une petite touche de modernité. A l’inverse, et malgré l’utilisation de quelques "Reverb", l’instrumental "The Loner" donne plutôt dans la simplicité. Et, s’il ne parvient pas toujours à retenir ses velléités d’envolés guitaristiques, Gary Moore parvient tout de même à adopter une sobriété qui lui permet d’accoucher de cette superbe ballade gorgée d’émotions.
Quelque soit le type d’ambiance développé, dynamique et moderne ou bien plus mélancolique, le résultat est toujours excellent. Tout au plus peut on regretter le type de Production et d’orchestration, qui font un peu trop la part belle à des sonorités très connotées années 80 et qui ne dotent pas forcément ce disque des meilleurs atouts pour affronter le temps. Mais pour ce qui est des compositions et de l’interprétation, il s’agit presque d’un sans faute. Même la reprise un peu incongrue, au regard du faible nombre de titres proposés sur cet album, du "Friday On My Mind" des Easybeats passe très bien. On y découvre un Gary Moore très en voix qui assume avec beaucoup de crédibilité son rôle de chanteur, rôle qu’il devait partager avec Phil Lynott, initialement prévu pour prêter sa voix au titre "Over The Hills And Far Away" et dont la mort en 1986 rendit cette nouvelle association impossible.
Ce disque a été proposé en plusieurs versions comprenant des bonus oscillant entre version longue et version dansante. Une édition "double album" est particulièrement recommandable, agrémentée d’une version longue et d’une version live de "The Loner", et de versions allongées de "Over The Hills And Far Away" et de "Wild Frontier" qui se voient ornées de nombreux petits bidouillages sonores.