Pardon de passer encore pour de vieux cons, mais Open The Gates devrait raviver pas mal de souvenirs chez les plus anciens d'entre-vous qui se rappelleront peut-être la chronique que Hard Rock Magazine en avait tiré à l'époque ainsi que du magnifique vinyle, format qui permettait alors d'admirer à l'infini les pochettes des albums dont elles étaient l'écrin précieux en même temps que le sésame.
Préparé par Crystal Logic son déjà remarquable prédécesseur, Open The Gates marque très certainement l'apogée aussi bien artistique que commerciale de Manilla Road, qui ne réussira jamais réellement par la suite à égaler cette pierre angulaire. Il ouvre un second chapitre dans la carrière de ce qui est alors un trio (il le restera jusqu'à sa dissolution en 1990), nouvelle ère représentée par l'arrivée du batteur Randy Foxe, au jeu plus brut que Rick Fisher et le deal avec Black Dragon Records. C'est sous cette mouture que les disques les plus mémorables seront gravés jusqu'à The Courts Of Chaos.
Open The Gates porte tous les signes distinctifs de la signature Manilla Road telle qu'elle le reste dans l'imaginaire du fan de heavy Metal : un Hard Rock épique et superbement lourd aux portes du Doom, une guitare qui hurle ("Metalstorm"), une thématique fantastique et légendaire ("Hour Of The Dragon") et ce chant qui, tour à tour, racle ou se pare de teintes presque progressives lorsqu'il se fait plus clair ("Astronomica").
En ouvrant ses portes ou en le redécouvrant aujourd'hui, on mesure combien Manilla Road, s'il puisait alors dans le creuset maidenien (le lent "The Fires Of Mars") a tenté bien avant les Anglais d'allier motifs aux confins du progressif et heavy puissant. Il suffit d'écouter "The Ninth Wave" qui, du haut de ses presque dix minutes, demeure la pièce maîtresse de l'album, pour réaliser la proximité avec les derniers Iron Maiden. Les harmonies vocales de Mark Shelton, bien que celui-ci ne saurait être considéré comme un grand chanteur, ne sont pourtant pas sans évoquer celles de Bruce Dickinson. Le parallèle est étonnant et témoigne, si besoin en était encore, de la valeur malheureusement trop peu reconnue d'un groupe qui mérite mieux que le relatif anonymat dans lequel il est réduit désormais.
Pourtant, au milieu des années 80, Open The Gates, formidable ensemble de titres alternant envolées homériques ("Witches Brews") et brulots porteurs de cette patte des plus agressives pour l'époque ("Open The Gates" qui baigne dans une ambience très sombre ou le rapide "Road Of Kings"), impose Manilla Road à la lisière du Heavy Metal et de la vague Thrash qui ne tardera pas à faire des ravages dans les années qui suivront. Enfin, il forme avec The Deluge, publié moins d'un an après, un séduisant diptyque à la fois brut de décoffrage et mélodique, que tous les fans du genre se doivent de posséder.