Après le retour mitigé incarné par "Ra" et désormais occupé par d'autres obligations professionnelles, Frank Bornemann continue néanmoins l'aventure Eloy avec la parution de "Destination", quatre années après son prédécesseur, dans une formule similaire : groupe réduit à un duo et présence de musiciens de studio. Petite différence toutefois, dans la liste de ces derniers apparaît notamment un ancien (et futur) membre d'Eloy, le fameux Peter Matziol au jeu de basse sans équivalence.
Après un "Ra" plutôt hybride, "Destination" s'engage dans une voie délibérément hard : finis les passages planants initiés aux claviers sur lesquels venaient se greffer les arabesques guitaristiques, le tout soutenu par une rythmique aussi inspirée que variée. Les guitares sont désormais maîtresses du jeu, éclipsant les claviers réduits la plupart du temps à leur plus simple expression au sein d'un spectre sonore ne laissant que peu de répit pour les oreilles amatrices des ambiances cosmico-progressives de la première période du groupe. Ne parlons pas de la batterie qui, bien que cette fois tenue tout du long par un véritable manieur de baguettes, s'avère tout aussi lourde et métronomique que les programmations de son prédécesseur. Le choc est ainsi plutôt rude, surtout après un "Ra" assez lisse dans le genre. Mais soit, si les compositions s'avèrent à la hauteur, pourquoi pas ?
Et sur ce point, je dois avouer au lecteur de cette prose que mon cœur balance, en raison de la dichotomie qui caractérise les différentes plages de l'album. D'un côté, des réussites formidables telles "Silent Revolution", son incroyable mur de guitatres et ses chœurs d'enfants magiques, ou encore "Jeanne d'Arc", nouveau centre d'intérêt pour Frank Bornemann qui délaisse (enfin ?) les ambiances cosmiques, et qui accouche d'une plage infiniment touchante. A un degré moindre, la plage titre, "Destination", procure une écoute plutôt agréable, avec un retour en grâce de la flûte, abandonnée depuis bien longtemps par le groupe.
L'autre pendant de l'album est malheureusement moins engageant, avec une collection de chansons pas franchement mauvaises, mais bien loin de la qualité habituelle proposée par Eloy. Trop répétitives, ou tout simplement fades, ces pièces ne resteront pas dans la mémoire collective à l'heure de faire les bilans. Et la voix de Frank Bornemann, systématiquement doublée sur les refrains notamment, bien loin d'apporter un quelconque plus à l'interprétation, ne fait que renforcer la sensation de déplaisir qui émane de ces morceaux.
Malgré cela, et ne serait-ce que pour les trois plages citées précédemment, "Destination" fait partie de ces albums que l'on réécoute avec quelque plaisir. Nous sommes certes loin de la quasi extase provoquée par des "Ocean" ou autres "Silent Cries", mais cet album ne s'avère pas aussi mauvais que la plupart des critiques ont bien voulu l'écrire un peu partout.