"The Suffering Joy" est le troisième album du groupe Norvégien The Magic Pie. Depuis leur précédent opus, Circus Of Life, le line-up n'a subi qu'une modification : le remplacement au chant d'Alan Olsen par Eirikur Hauksson, chanteur-guitariste transfuge du groupe de heavy metal Artch. Changement somme toute mineur quand on sait que le groupe est doté de plusieurs lead singers et que ses influences stylistiques mélangent musique progressive, hard rock et métal mélodique.
Et effectivement "The Suffering Joy" reprend sans vergogne les recettes qui ont réussi à ses prédécesseurs : un cocktail vitaminé, bourré de guitares électriques virevoltantes, de claviers survoltés et de percussions fracassantes. Les compositions sont denses, dynamiques et remplies de variations de rythmes. Peut-être un peu trop d'ailleurs. Car, à force de s'abreuver de multiples influences, le groupe semble parfois perdre la maitrise de ses compositions. Les titres explosent tels des feux d'artifices, mais perdent en cohérence ce qu'ils gagnent en énergie. Les transitions sont souvent abruptes, laissant l'auditeur quelque peu désorienté. Les mélodies quant à elles sont pour la plupart assez quelconques et artificielles.
D'autre part, le groupe semble toujours hésiter entre un rock progressif musclé (les trois premières parties de la suite "A Life's Work", les huit premières minutes de "Tired") et un hard rock lourd, voire heavy metal pur et dur (quatrième partie de "A Life's Work", "Slightly Mad"). Cette dichotomie flagrante risque de rebuter les amateurs de musique progressive devant cette avalanche de décibels, de riffs rageurs, de batterie tapageuse, de descente échevelée de manches, tout comme les fans de métal que les chœurs à la Bee Gees au beau milieu d'un morceau enlevé risquent fort de surprendre.
Ce constat est d'autant plus regrettable que Magic Pie est talentueux et dispose de bien des charmes : les harmonies vocales de leurs trois chanteurs sont souvent très réussies, les nombreux soli de guitares sont ébouriffants, la basse est ronflante à souhait, les claviers font preuve de virtuosité et la batterie frappe juste et fort. Un titre comme "In Memoriam", compact, à l'atmosphère vaguement inquiétante à la Alice Cooper, où il est facile de s'imaginer perdu dans les couloirs obscurs d'une vieille demeure victorienne ou seul dans la crypte d'un vieux cimetière abandonné par une nuit venteuse, prouve l'énorme potentiel de ce groupe.
Mais cela ne suffit pas à créer l'alchimie attendue. "In Memoriam" est l'exception qui confirme la règle. Beaucoup d'idées et d'influences se télescopent dans cet album (en vrac : Neal Morse, Kamelot, Queen, Eagles, Scorpions, Uriah Heep, Bee Gees, Deep Purple, …) mais mal canalisées, elles en viennent en bouleverser l'écoute. Pour confirmer toutes ses qualités sous-jacentes, Magic Pie devra affirmer son propre style et apprendre à discipliner ses compositions.