Après l’exercice de la scène, les trois complices de No Azar, Luc Guérin, Bruno Delacour et Pierre Tarbouriech, nos compatriotes du pays Basque, se lancent à l’assaut de l’enregistrement en studio.
Pour un premier album, le moins qu’on puisse dire, c’est que la musique du trio sait parfaitement ce qu’elle veut : point de recherche identitaire, au sens d’une hésitation dans l’écriture ou dans l’orientation rythmique et mélodique. Ce que propose cette ronde des signes, ce n’est certainement pas de faire les choses à moitié. Pour autant, les tendances y sont plutôt diversifiées : on retrouve d’une part des influences jazz-rock qui n’auraient pas déplu aux Britanniques de Matt Bianco; sur les questionnements rythmiques du titre éponyme et de "Pourquoi ?" en particulier, ne s’attendrait-on pas aux vocalises claires et charmeuses de Basia ?
D’autre part, et cela saisit l’oreille immédiatement, l’omniprésence de l’esprit et des tonalités du Blues, tendu comme un fil conducteur du premier titre éponyme jusqu’au(x) dernier(s) "Desideratas", clôturant d’ailleurs la galette avec beaucoup d’élégance; mais il s’agit d’un Blues vaporeux, aérien, qui trouve son remède en sa propre nature.
La recette intègre encore d’autres subtilités, usant d’épices délicatement parsemées, aux saveurs ésotériques voire orientales ("Kâli Yuga", "Vertigo"), ou encore en flirtant avec les phrasés affectionnés par les adeptes du Guitar-Hero ("Nota Bella", "Ultra Blues", "Réminiscence").
Alors, avec autant de tiraillements, comment plaider la cohérence musicale de ce projet ? Tout simplement, en actant de l’essentiel : nos fringants musiciens basques se réapproprient toutes ces inspirations, pour les faire converger vers un cocktail résolument Funky. L’orientation instrumentale, à peine troublée par quelques rares vocalises d’accompagnement en filigranes, y participe directement; la basse est tour à tour joviale ou accrocheuse, et reste très proche de la ligne rythmique imprimée par la batterie. La guitare, de son côté, s’épanche sur des riffs entraînants et joliment lunatiques : elle sait pleurer, swinguer, faire la fête.
Dommage que le milieu du programme accuse un certain relâchement (quelques mises en boucles qui traînent en longueur), et que la sonorité manque parfois de profondeur. Si guitare, basse et batterie suffisent avec brio à emplir l’espace auditif, la faible distanciation de chacun des instruments par rapport aux deux autres affadit quelque peu le relief général. En tout cas, ne vous contentez pas d’une écoute superficielle : cette ronde pleine de vivacité nous envoie beaucoup de signes. Elle mérite bien mieux qu’un simple épinglage de musique d’ambiance.