"Tout ça pour ça", serions-nous tentés d’écrire. C’est le pauvre Tim "Ripper" Owens qui doit bien rigoler dans son coin, lui qui fut écarté par ses camarades de jeu pour permettre le retour en grandes pompes du Metal God dans ce qui ressemble de plus en plus à une véritable opération marketing visant à relancer les carrières de Judas Priest et de Rob Halford dont la séparation semblait avoir sonné le glas des succès de jadis. La mise en scène fut savamment orchestrée, de la rumeur du retour de Rob Halford faiblement démentie, à l’éviction du malheureux "Ripper" Owens, en passant par la confirmation de la réunion soit disant guidée uniquement par des motifs artistiques, tout était millimétré pour faire de ce "Angel Of Retribution" l’évènement métallique de l’année 2004.
Malheureusement, le gang de Birmingham n’accouche finalement que d’un album moyen. Coincé entre son désir de sortir une suite au légendaire "Painkiller", le besoin de rassurer ses aficionados refroidis par les expériences de la période Owens, Judas Priest semble avoir voulu éviter la moindre prise de risque. Alors bien sûr, il est clair que cela suffit largement pour sortir une série de titres d’un niveau suffisant pour satisfaire le métalleux moyen et éviter la moindre sortie de route, même si le single "Revolution" est alourdi par un refrain exaspérant, mais pour tout amateur du Priest, cette impression de voir le quintet rouler avec le frein à main est un brin agaçante.
Les futurs hymnes de métal mélodique que sont "Deal With The Devil" ou "Wheels Of Fire" feront un ravage en live, mais ils sont d’un classicisme décevant. Boostés par le jeu toujours aussi impressionnant de Scott Travis, "Judas Rising", "Demonizer" ou "Hellrider" ne seraient pas ridicules sur "Painkiller et la ballade "Angel" est des plus agréable, prouvant s’il en était encore besoin la grande classe de Rob Halford, mais tout ça ne décolle jamais vraiment, semblant se complaire dans la chaleur rassurante des choses déjà faites et ayant fait leurs preuves. Heureusement, l’éclaircie, façon de parler étant donnée la tonalité générale du titre, vient sur une dernière plage de plus de 13 minutes (16 si l’on considère "Eulogy", le titre précédent, comme une introduction). Avec "Lochness", Tipton, Downing & Co. lâchent enfin la bride de leur inspiration et prennent enfin quelques risques. A la fois pachydermique et sombre, angoissant et hypnotisant, ce titre voit la légende britannique flirter à la fois avec le doom et le progressif, et réussir ce qui aurait été un coup de maître sans un break central un peu trop long.
Il reste maintenant à espérer que ce titre encouragera Judas Priest à poursuivre dans une voie plus risquée et justifier ainsi le retour du Metal God en son sein. Parce que si c’est pour nous resservir des titres en pilotage automatique comme sur la majorité de l’album, ce n’était vraiment pas la peine de faire tout ce cirque médiatique.